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L'Orient à feu et à sang

L'Orient à feu et à sang

Titel: L'Orient à feu et à sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harry Sidebottom
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s’éleva au bout d’une pique au-dessus de la foule, les clameurs cessèrent. Même souillé de terre et de sang, son visage était toujours aussi beau.
    Maximin poussa un hurlement inhumain. Sans laisser le temps au colosse de bouger, Ballista, encore étourdi, se jeta sur lui et, tel le combattant du cirque assénant l’estocade à un taureau, planta le stylet dans son cou. D’un seul coup, l’empereur se retourna et l’envoya bouler à travers l’antichambre. Puis il arracha le stylet sanguinolent et le lança à la tête de Ballista. Le glaive levé, il s’avançait.
    Le jeune homme se releva péniblement, empoigna une chaise en guise de bouclier et recula.
    — Sale petit traître ! Tu m’as juré fidélité, tu as prêté le serment militaire, le sacramentum !
    Le sang ruisselait sur le cou de l’empereur, mais cela ne semblait pas pouvoir l’arrêter : de deux coups de glaive, il brisa la chaise en mille morceaux. Ballista se tortillait, tentant d’esquiver les coups, mais une douleur insoutenable l’envahit lorsque le glaive érafla ses côtes. Jeté à terre, pressant ses bras contre sa blessure, il rampait sur le dos pour échapper à l’empereur. Maximin se tenait debout au-dessus de lui, prêt à lui asséner le coup de grâce.
    La lance s’enfonça dans son dos sans cuirasse et il tituba vers l’avant. Une autre lance le percuta au même endroit. L’empereur vacilla, avant de s’écrouler sur Ballista. L’énorme masse écrasait le jeune homme qui sentit sur sa joue une haleine chaude et fétide. Les doigts du colosse déchu remontaient vers son visage, cherchant à lui arracher les yeux.
    Sans qu’il sût comment, le stylet se retrouva dans la main droite de Ballista. Avec l’énergie du désespoir, il l’enfonça dans la gorge de l’empereur. Les doigts se raidirent et le sang jaillit, piquant les yeux de Ballista.
    — Je te reverrai !
    Un rictus hideux déformait le visage du colosse lorsqu’il proféra son ultime menace. Le sang gargouillait et moussait dans sa bouche tordue.
    Ballista observa les hommes qui emmenaient le cadavre au dehors. La foule se jeta dessus comme une meute de chiens déchiquetant du gros gibier. On trancha la tête avant de la mettre au bout d’une pique, comme on l’avait fait pour le fils de l’empereur. L’énorme corps fut laissé sur place, à la merci de quiconque voulait le piétiner et le profaner ; pour que corbeaux et chiens le missent en pièces.
    Bien plus tard, la tête de Maximin le Thrace et celle de son fils furent envoyées à Rome pour y être exposées publiquement. On jeta leurs dépouilles dans la rivière afin de les priver de sépultures et empêcher ainsi que leurs âmes reposassent en paix.

NAVIGATIO

(Automne de l’an 255)

I
    À peine le vaisseau de guerre se fut-il éloigné de la jetée du port de Brundisium [5] que les espions se retrouvèrent. Ils s’assirent sur le pont, passant inaperçus au milieu des hommes du Dux Ripæ. De leur position à la proue du navire, ils contemplaient l’objet de leur attention, toute professionnelle, qui se tenait à une centaine de pieds, à l’autre bout de la coque étroite de la galère.
    — Foutu Barbare ! On est là tous les trois à surveiller un seul foutu Barbare ! C’est ridicule.
    Le frumentarius parlait doucement, ses lèvres bougeant à peine. Son accent le désignait comme natif des bas-fonds de Subura, dans la populeuse vallée séparant deux des sept collines de la Rome éternelle. Il avait beau être de basse extraction, c’était un frumentarius comme ses deux collègues et, en tant que tel, il comptait parmi les hommes les plus craints de l’Empire romain. Leur titre de frumentarii supposait qu’ils avaient quelque chose à voir avec la distribution du grain ou des rations de l’armée. Mais plus personne ne se berçait de telles illusions. Cela équivalait à appeler la tumultueuse mer Noire « la mer hospitalière », ou les puissances du châtiment « les bienveillantes ». Les frumentarii étaient connus et haïs de tous – du plus patricien des consuls de Rome, jusqu’au plus humble esclave d’une lointaine province comme les Bretagnes – pour ce qu’ils étaient vraiment : la police secrète de l’empereur, ses espions, ses assassins, ses manieurs de couteaux. Du moins, ainsi les connaissait-on collectivement. C’était une unité spéciale de l’armée, dont les membres étaient transférés d’autres unités, et dont le camp

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