L'Orient à feu et à sang
prosterne-toi !
Alors que le garde prétorien le faisait s’agenouiller sans ménagement, Ballista vit sortir des ténèbres l’agréable visage du fils de Maximin le Thrace. Avec réticence, il se prosterna et, l’empereur Maximin lui présentant sa main, baisa le lourd anneau d’or serti d’une pierre précieuse en forme d’aigle.
Vêtu d’une simple tunique blanche, Maximin le Thrace était assis au bord du lit de camp. Son fils se tenait debout à ses côtés, arborant, comme à son habitude, un plastron finement ouvragé et un glaive d’apparat en argent dont le pommeau figurait un aigle. Ballista restait à genoux.
— Par tous les dieux, qu’est-ce qu’il pue ! dit le fils de l’empereur en portant à son nez un foulard parfumé.
Son père leva la main pour le faire taire.
— Tu as eu vent d’une conspiration contre moi. (Les grands yeux gris de Maximin le Thrace scrutaient le visage de Ballista.) Qui sont les traîtres ?
— Les officiers, la plupart des tribuns et quelques centurions de la Legio II Parthica [4] , Dominus.
— Des noms, donne-moi des noms.
Ballista semblait réticent.
— Ne fais pas attendre mon père, donne-lui des noms, s’exclama le fils de l’empereur.
— Ce sont des hommes puissants. Ils possèdent de nombreux appuis et beaucoup d’influence. S’ils apprennent que je les ai dénoncés, ils me feront du mal.
L’empereur partit d’un affreux rire grinçant.
— Si ce que tu dis est vrai, ils ne seront pas en mesure de causer du tort, ni à toi, ni à quiconque. Et si tu mens, ce qu’ils pourraient te faire sera le cadet de tes soucis.
Ballista énuméra lentement une suite de noms : « Flavius Vopiscus, Julius Capitolinus, Aelius Lampridius… » Il y en avait douze en tout. Qu’ils fussent ou non ceux des conspirateurs n’avait plus guère d’importance à ce stade.
— Comment sais-tu que ces hommes veulent me tuer ? Quelles preuves as-tu ?
— Ils ont exigé que je me joigne à eux. (Ballista parlait haut et fort, espérant ainsi détourner l’attention du tumulte régnant au dehors.) Je leur ai demandé des instructions écrites. Je les ai sur moi.
— Quel est ce vacarme ? hurla Maximin, le visage parcouru de tics marquant une irritation désormais habituelle. Garde ! Fais-les taire !
Il tendit son énorme main pour prendre les documents que lui présentait Ballista.
— Comme vous pouvez le voir… dit-il.
— Silence ! ordonna l’empereur.
Loin de s’apaiser, le bruit au dehors s’amplifiait. Maximin le Thrace, le visage maintenant déformé par la colère, se tourna vers son fils :
— Sors et dis-leur de la boucler une bonne fois pour toutes.
L’empereur reprit sa lecture, mais une soudaine clameur le fit lever les yeux. Sur son pâle visage, Ballista pouvait voir s’éveiller les soupçons. D’un bond, il se leva, se saisit de l’autel portatif où brûlait le feu sacré et entreprit d’en asséner un coup sur la tête de l’empereur. Mais Maximin attrapa son poignet, le serrant incroyablement fort. De son autre main, il le frappa au visage. Sous l’impact, la tête du jeune homme partit violemment en arrière et le colosse lui décocha un coup de poing dans le ventre. Ballista s’écroula. D’une main, l’empereur le releva et approcha son visage comme taillé dans le roc de celui de Ballista. Son haleine exhalait l’ail.
— Tu mourras lentement, espèce de petit morveux !
D’une chiquenaude, Maximin le Thrace l’envoya dinguer. Le jeune homme atterrit sur des chaises dans un grand fracas, renversant une table.
Tandis que l’empereur ramassait son glaive et se dirigeait vers la sortie, Ballista tentait désespérément de reprendre son souffle et de se relever. Il cherchait vainement une arme ; à défaut, il se saisit d’un stylet posé sur une écritoire et, titubant, se rua vers l’empereur.
Depuis l’antichambre, la scène au-dehors, brillamment éclairée, semblait encadrée telle une peinture sur un temple ou un portique. Au loin, le gros de la garde prétorienne s’enfuyait à toutes jambes. Mais quelques-uns de ses membres s’étaient joints aux légionnaires de Legio II et arrachaient les portraits impériaux des étendards. Plus près, les corps s’entrechoquaient dans un grand tumulte. Juste devant le seuil, le dos puissant de Maximin le Thrace occupait le premier plan du tableau. Glaive en main, il scrutait la scène.
Quand la tête du fils de l’empereur
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