Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Orient à feu et à sang

L'Orient à feu et à sang

Titel: L'Orient à feu et à sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harry Sidebottom
Vom Netzwerk:
de base était établit sur le Cælius [6] . Individuellement, il était rare qu’on les connaisse. Si quelqu’un reconnaissait un frumentarius, c’était uniquement parce que ce dernier le voulait et que dès lors, les jours du malheureux étaient comptés.
    — Je ne sais pas, dit l’un des deux autres. C’est peut-être une bonne idée, après tout. Nul ne peut se fier aux Barbares ; ils ont la duplicité dans le sang et sont souvent rusés comme pas deux.
    Sa voix évoquait les montagnes et les plaines baignées de soleil du grand Ouest, les provinces reculées d’Espagne ou même de Lusitanie, là où l’Atlantique se brisait contre les côtes.
    — Connerie ! dit le troisième. D’accord qu’on ne peut pas che fier à eux. Ils mentent comme ils rechpirent. Mais ceux du Nord, comme che chalopard, chont bêtes comme leurs pieds. Les types du nord chont grands, féroches et idiots tandis que ceux de l’Est sont petits, roués et peureux comme tout.
    Le chuintement qui émaillait ses phrases prouvait que sa langue maternelle n’était pas le latin, mais le punique d’Afrique du Nord ; la langue parlée par Hannibal, le grand ennemi de Rome, presque cinq siècles plus tôt.
    Tous les hommes sur le pont ainsi que l’équipage en-dessous se turent, tandis que Marcus Clodius Ballista, Vir Egregius, Chevalier de Rome et Dux Ripæ, commandeur des rives, élevait les bras au ciel pour se livrer au rituel marquant le début d’un voyage en mer. Non loin des côtes, encore protégées par le port de Brundisium avant de se fondre dans celles de l’Adriatique, les eaux étaient calmes. Avec ses rames levées en position de repos, la galère ressemblait à un énorme insecte posé à la surface de l’eau. En bon latin, même si l’on décelait çà et là l’accent des forêts et des marécages du nord, Ballista commença à entonner la traditionnelle litanie :
    — Ô Jupiter, roi des dieux, étends les mains au-dessus de ce navire et de tous ceux qu’il transporte. Ô Neptune, roi des mers, étends les mains au-dessus de ce navire et de tous ceux qu’il transporte. Et toi, Tyché, esprit de ce vaisseau, étends les mains sur nous tous.
    Il prit un grand cratère en or finement ouvragé des mains d’un assistant et, lentement, cérémonieusement, le vida, versant dans la mer trois libations de vin.
    Quelqu’un éternua. Ballista se figea. C’était incontestable, indéniable, quelqu’un avait éternué. Plus personne ne bougeait, ni ne parlait. Nul n’ignorait que le pire des présages, l’indication la plus claire du déplaisir des dieux était que quelqu’un éternuât pendant le rituel de départ.
    Ballista maintint sa pose. La cérémonie aurait pourtant dû prendre fin. Une vague d’anxiété et de tension se propageait sur le navire. Puis, d’un puissant geste du poignet, Ballista jeta le cratère dans les airs. Il y eut un soupir collectif lorsqu’il éclaboussa la surface de l’eau. Il scintilla encore un instant, avant de s’enfoncer et de disparaître à jamais.
    — Voilà bien un foutu Barbare ! dit le frumentarius de Subura. Il ne peut pas s’empêcher de faire de grands gestes idiots ! Cela ne conjurera pas le mauvais présage. Rien au monde ne le pourrait.
    — Avec ce cratère, on aurait pu acheter un bon bout de terrain, là-bas, au pays, nota le Nord-Africain.
    — Il l’a probablement volé, répondit l’Espagnol, revenant à leur sujet de conversation. D’accord, les Barbares du Nord sont peut-être bien stupides, mais pour ce qui est de la trahison, ils n’ont rien à envier à ceux de l’Est.
    La trahison était la raison d’être des frumentarii. Le vieux dicton de l’empereur Domitien, selon lequel nul ne croyait à un complot contre l’empereur jusqu’à ce qu’il se fasse assassiner, était tout à fait erroné en ce qui les concernait. Leurs pensées étaient imprégnées de trahison, de complot et de contre-complot. Leur goût du secret et leur efficacité impitoyable alliés à leur caractère obsessif leur valaient la haine de tous.
    Ayant obtenu de Ballista la permission d’appareiller, le capitaine du navire de guerre demanda le silence et les trois frumentarii plongèrent dans leurs pensées. Ils avaient tous trois bien des raisons de méditer ainsi : lequel d’entre eux s’était vu confier la tâche de surveiller les deux autres ? Y avait-il un quatrième frumentarius parmi les hommes du Dux Ripæ, une taupe insoupçonnable qu’ils

Weitere Kostenlose Bücher