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L'univers concentrationnaire

L'univers concentrationnaire

Titel: L'univers concentrationnaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Rousset
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quelque reconnaissance.
Il y a aussi un fermier qui serait sans doute obligeant. Il a besoin de
latrines. Il est toujours facile de s’entendre.
    Mais il y a les registres et un détenu qui les tient. Il
faut bien qu’il soit au courant. Le Kapo de l’Arbeitsstatistik distribue le
travail. Il faudra le prévenir qu’il a à prélever sur la mine une centaine d’hommes
pour le baron, pour le fermier, et probablement aussi pour le bourgmestre. Et
puis, il y a les petites affaires qui ne sont pas négligeables. Le pharmacien
rachète volontiers les remèdes venus de Berlin pour le Revier contre des
bouteilles de vin du Rhin ou de l’alcool. Elles entreront au camp avec de
pudiques étiquettes. Mais c’est le Kapo du Revier ou l’un de ses aides qui va
sur place prendre la commande ; alors, il faut bien qu’il le sache. Askania
s’installe à Bartensleben, Siemens à Schacht Marie. Des quantités de bois sont
arrivées ; il serait utile d’en prélever. On pourrait avoir besoin d’une
machine à calculer électrique. Il n’est que d’en parler au Kapo Georg, ou à
Hans. On a été gentil avec Hans, quand il a tué le Polonais à la carrière de
sable. Ce n’était qu’un Polak, mais il aurait suffi, quand même d’un rapport. On
est devenu curieusement scrupuleux, à Berlin. Les bonnes mœurs se perdent. En
réalité, Hans maintenant est tout à fait docile. La semaine dernière, il a
écrit deux rapports sur un Feldwebel et deux Posten qui sont intéressants, très
intéressants. C’est comique comme ces militaires ne tiennent pas. Ils sont déjà
fatigués au début de la sixième année. Le Kapo Hans…
    L’engrenage. L’étonnante cohabitation des S.S. et des hauts
fonctionnaires détenus. Le mépris des S.S. pour eux est sans bornes. Mais il
est impossible de ne pas s’appuyer sur eux pour certaines affaires. En
conséquence, on leur donnera à eux aussi quelques libertés. On leur accordera
une marge licite de vol. Rien ne sera dit, bien entendu, mais ces gens savent
comprendre très, trop facilement.
    Ce n’est pas qu’un S.S. craigne un détenu, aussi grand
soit-il. Une affaire éclaterait-elle, le tribunal S.S. condamnerait, et
durement, le détenu. Il le condamnerait, mais après… Le S.S. pourrait être
envoyé au front, dans un camp bien moins agréable, ou dégradé. Il vaut donc
mieux s’entendre dans une limite qui admette les injures et les coups. Le
détenu, quel que soit son poste, ne sera jamais qu’une vermine.
    La liberté d’action engendrée par ces compromissions entre
les S.S. et la haute bureaucratie, c’est le vol toléré. Vol des vivres et du
tabac. La cuisine devient ainsi un centre actif de tractations intérieures. Mais
pour garder quelque apparence, les échanges s’opèrent à la Schreibstube ou au
Revier. Vol des colis, le meilleur : friandises, chocolat, vitamines, fruits,
conserves, tabac, sous-vêtements, chaussettes, mouchoirs, lainages, chaussures.
Vol des vêtements. Lorsque les nouveaux concentrationnaires débarquent, des
mains diligentes les dépouillent de tous leurs biens. Tout est rangé, empaqueté
pour la libération. Dérision. Pas un des anciens ne croit plus à la « libération ».
Si, avec la guerre, mais autrement… Et combien de morts, d’ici là, des milliers !
Et puis, comment ça se fera, et où ? Alors, pourquoi attendre ? Et
les hauts fonctionnaires de choisir le plus beau, le plus solide. Ils ont un
goût prononcé pour l’élégance, comme une nécessité pour vivre dans cet enfer.
    Mais combien d’autres besoins : au premier chef, l’alcool ;
ensuite, le tabac, les parfums, de bonnes étoffes pour se faire habiller par le
tailleur concentrationnaire. Seuls, les civils en disposent. Et de leur côté, les
bureaucrates trafiquent avec les civils. De tout. Du café (du vrai), pris dans
les colis et dont les Allemands sont gourmands, des sardines (à l’huile) volées
toujours dans les colis, des chandails prélevés encore dans les colis, du sucre
qui vient de Berlin pour le camp, de la viande destinée aux détenus, des
conserves en quantité, des boîtes de confiture, des machines (parfaitement, des
machines toutes montées, fraiseuses, magnétos, tours) volées génialement à la
fabrique. A Neuengamme, l’alcool arrivait par les péniches. C’est au port que s’opéraient
les transactions entre les bateliers et les Kapos. A Helmstedt, l’alcool
passait par le Revier en échange des médicaments. Il est

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