L'univers concentrationnaire
d’un groupe déjà nombreux de travailleurs. Il doit
assurer la discipline et le rendement. Il en est comptable devant son supérieur
et les S.S. Il a affaire aux Meister, aux ingénieurs civils et aux Feldwebel
qui inspectent les chantiers. Les civils et les militaires en principe n’ont
rien à voir avec les détenus et pour les ordres et les sanctions doivent passer
par le Kapo. La réalisation effective de ces règlements dépend de l’autorité de
fait du Kapo. Les Kapos sont exemptés de tout travail manuel. Les Vorarbeiter
sont sous les ordres des Kapos. Ils dirigent une équipe de travail. En principe,
ils doivent travailler ; en fait, le plus souvent ils ne le font pas. Les
Kommandos sont ces formations d’importance variable de travailleurs.
Le Kapo de l’Arbeitsstatistik dispose d’une puissance
considérable. A bien des égards supérieure à celle d’un ministre de l’intérieur
démocratique, ou même d’un haut fonctionnaire d’un état dictatorial. Pratiquement,
il tient en main la vie ou la mort des détenus. C’est lui qui décide de l’utilisation
des Kommandos et entérine ou non les listes des transports. Il lui suffit de
désigner un homme pour un Kommando dur, soit en raison de la nature du travail,
soit parce que le Kapo ou les Posten sont particulièrement féroces, pour que la
mort soit inévitable à une échéance plus ou moins lointaine. En principe, il
casse et nomme les Kapos. Toutefois, ces opérations sont plus délicates et
doivent être menées parallèlement au jeu des intrigues auprès des S.S.
Les détenus qui partent en transport sont désignés en
théorie par le médecin S.S. Les listes sont donc établies après la
pseudo-visite médicale. Mais c’est l’Arbeitsstatistik qui les complète et les
rectifie. Les combinaisons se font en commun avec la Schreibstube, la
Politische Abteilung et les hauts fonctionnaires de toutes catégories que l’affaire
intéresse. Les amis politiques et les clients des aristocrates qui ont l’oreille
des fonctionnaires de l’Arbeitsstatistik sont rayés des listes et remplacés par
d’autres. Les vieux internés estiment, en effet, préférable de rester dans un
camp central. Il y a de « bons » et de mauvais transports, mais, dans
l’ensemble, ils ont une détestable réputation. La désignation des Kapos pour le
transport relève des intrigues intérieures. La fraction au pouvoir peut avoir
intérêt à envoyer des représentants pour contrôler les Kommandos ; elle
peut, au contraire, vouloir se débarrasser d’adversaires en les envoyant au
loin. Mais, pour réaliser son jeu, elle doit faire le siège des S.S.
La détention de ces postes est donc d’un intérêt capital, et
la vie ou la mort de bien des hommes en dépend.
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Le Lageræltester, le Küchekapo, le Kapo du Revier, une
poignée de hauts fonctionnaires de la Schreibstube, de la Politische Abteilung,
de l’Arbeitseinsatz et le Kapo de l’Arbeitsstatistik, composent les hauts
sommets de la bureaucratie concentrationnaire. Les chefs de Block, le haut
personnel du Revier, les Kapos des magasins, les grands fonctionnaires des
bureaux de la police et les Kapos forment les cadres essentiels, les assises de
cette aristocratie des camps. Les chefs de chambrée, les Vorarbeiter, les
policiers, tous les petits fonctionnaires, les Stubendienst, constituent la
très large base de cette bureaucratie.
XIV
LES HOMMES NE VIVENT PAS QUE DE POLITIQUE
Pour que vive un tel système, il lui faut des privilèges, et
ils sont considérables. D’abord, la nourriture. Même les plus bas
fonctionnaires ont des avantages officiels : les Vorarbeiter, un litre de
soupe supplémentaire, de même les infirmiers, les Dolmetscher, les Läufer, les
Stubendienst, et tous ceux qui remplissent de petites fonctions dans l’administration.
Ils touchent quelques suppléments de pain, de margarine, une meilleure portion
de saucisson ou de confiture, suivant les répartitions. C’est l’assurance de
tenir, de vivre plus longtemps. Les Kapos et les hauts fonctionnaires jouissent
à cet égard de plus grands privilèges encore. A Helmstedt, ils avaient la nourriture
des militaires. Quant aux sommets de la bureaucratie, ils mangent comme les S.S.
Ces avantages officiels sont singulièrement multipliés par le trafic illicite. Tout
le personnel qui gravite autour des cuisines, qui s’occupe de la distribution
de la nourriture, prélève pour lui et la clique qui l’entoure des
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