L'univers concentrationnaire
des
poteaux indicateurs sur les nouvelles routes.
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Les camps ne sont pas tous identiques ou équivalents. L’univers
concentrationnaire s’organise sur des plans différents. Buchenwald est une cité
chaotique, une sorte de capitale pas entièrement construite, tenant du
campement par ses quartiers hâtivement et sommairement plantés et son
grouillement de vie. Elle est grande ville par son prolétariat (la Gustloff, le
Mittelbau, la D.A.W., la carrière, les jardins, le bûcheronnage), mais aussi sa
masse de fonctionnaires, ses rentiers et sa pègre. Les rentiers : au début
de 1944, Buchenwald comptait deux Blocks dits des invalides, gens officiellement
reconnus comme non-travailleurs, en raison de l’âge ou d’incapacités physiques
notoires. Sa pègre (entendu comme tout ce qui se refuse aux lois de la cité, tout
ce qui se met en dehors des coutumes établies) : ceux qui, d’une façon ou
d’une autre, et le plus souvent illégalement, échappaient au travail, au
contrôle policier. Le nombre en était relativement grand. La plupart obtenaient
(en cultivant une haute température, en entretenant des blessures bien placées,
ou par des combines) des papiers du Revier les exemptant de travail et parfois
aussi de corvées pour deux jours, une semaine, une quinzaine au plus, mais
renouvelables. Et, enfin, une phalange d’aventuriers, sans aucune justification,
et que la police pourchassait avec obstination, qui risquaient le fouet, le
cachot ou la Strafkompagnie. Tout ce peuple hantait les baraques au cours de la
journée, se cachait sous les lits du dernier étage, rôdait autour des rapines
possibles, se rassemblait au Block des latrines, qui était tout à la fois une
Bourse de valeurs et de marchandises (pain, tabac, souliers de cuir, vêtements,
couteaux, gants, marks) et un coupe-gorge.
Neuengamme, au contraire, est strictement un centre
industriel. De six heures du matin à six heures du soir, rigoureusement
personne dans les Blocks, sauf quelques Kommandos à l’entr’acte de midi. La
bureaucratie intérieure s’employant dans l’organisation « municipale »
du camp réduite au minimum : un chef de Block et deux Stubendienst par
bâtiment. Les malades doivent être au Revier ; qui n’est pas accepté doit
travailler, y compris les aveugles et les sourds-muets. Les blessés, les
faibles, les vieux, tous ceux qui, à Buchenwald, restent dans les baraques, sont
catalogués à Neuengamme « travail léger », et envoyés fabriquer des
cordes, ou dans un des services du camp (cuisine, pluches, désinfection, magasin,
cordonnerie). Cette application de tous au travail s’inscrit dans l’architecture
du camp. Une structure rigoureuse, des lignes simples et nues. L’étagement des
Blocks sur l’aile gauche de la place centrale bétonnée dans un alignement
sévère, le Revier, les douches, la cordonnerie, le magasin sur l’aile droite ;
au fond, les cuisines et la nouvelle bâtisse qui devait, en principe, loger les
ouvriers de la Metallwerk et du Messap. Au delà, et rayonnant autour du camp, du
chenal et du port, les chantiers en pleine extension avec la Klinker, les usines
et l’industrie, les péniches chargées de briques, de ciment, de pierres de
démolition venant de Hambourg, les rails qui s’entre-croisent avec leurs
charroiements de wagonnets poussés par les hommes ou traînés par la machine ;
ici, les fondations d’une nouvelle fabrique ; là, entre des monticules de
sable et de briques, de larges tranchées à demi remplies d’eau où les détenus
pataugent et posent des canalisations ; plus loin, la gare et les jardins,
et, au delà, les chiens et les gardes, des champs et des fermes, une immensité
plate. Le rythme du travail est rapide, cadencé par les S.S. toujours présents,
toujours en inspection. Neuengamme, précis et provincial, est la cité des
Robots.
Cependant, Buchenwald, Neuengamme, Sachsenhausen, Dachau, participent
au même plan, constituent les types des camps « normaux » qui forment
l’armature essentielle de l’univers concentrationnaire.
Sur d’autres parallèles se situent les camps de représailles
contre les Juifs et les Aryens, du format Auschwitz et Neue-Bremm.
La structure des camps comme Neue-Bremm, près de Sarrebruck,
de répression contre Aryens, est commandée par deux orientations fondamentales :
pas de travail, du « sport », une dérision de nourriture. La majorité
des détenus ne travaillent pas, et cela
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