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L'univers concentrationnaire

L'univers concentrationnaire

Titel: L'univers concentrationnaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Rousset
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veut dire que le travail, même le plus
dur, est considéré comme une « planque ». La moindre tâche doit être
accomplie au pas de course. Les coups, qui sont l’ordinaire des camps « normaux »,
deviennent ici la bagatelle quotidienne qui commande toutes les heures de la
journée et parfois de la nuit. Un des jeux consiste à faire habiller et dévêtir
les détenus plusieurs fois par jour très vite et à la matraque ; aussi à
les faire sortir et rentrer dans le Block en courant, tandis que, à la porte, deux
S.S. assomment les Hæftlinge à coups de Gummi. Dans la petite cour
rectangulaire et bétonnée, le sport consiste en tout : faire tourner très
vite les hommes pendant des heures sans arrêt, avec le fouet ; organiser
la marche du crapaud, et les plus lents seront jetés dans le bassin d’eau sous
le rire homérique des S.S. ; répéter sans fin le mouvement qui consiste à
se plier très vite sur les talons, les mains perpendiculaires ; très vite
(toujours vite, vite, schnell, los Mensch), à plat ventre dans la boue
et se relever, cent fois de rang, courir ensuite s’inonder d’eau pour se laver et
garder vingt-quatre heures des vêtements mouillés. Et constamment le fouet, le
Gummi et les bottes. La durée normale d’un séjour est de trois semaines, et il
faut compter 35 à 40 pour cent des effectifs morts, le reste épuisé. Au delà, c’est
la mort inévitable.
    Les camps de Juifs et de Polonais : la destruction et
la torture industrialisées sur une grande échelle.
    Birkenau, la plus grande cité de la mort. Les sélections à l’arrivée :
les décors de la civilisation montés comme des caricatures pour duper et
asservir. Les sélections régulières dans le camp, tous les dimanches. La lente
attente des destructions inévitables au Block 7. Le Sonderkommando totalement
isolé du monde, condamné à vivre toutes les secondes de son éternité avec les
corps torturés et brûlés. La terreur brise si décisivement les nerfs que les
agonies connaissent toutes les humiliations, toutes les trahisons. Et lorsque, inéluctablement,
les puissantes portes de la chambre à gaz se ferment, tous se précipitent, s’écrasent
dans la folie de vivre encore, si bien que, les battants ouverts, les cadavres
s’effondrent, inextricablement mêlés, en cascades sur les rails.
    Dans les grandes périodes, des dizaines de milliers de gazés
par jour. Les dépouilles des cadavres engraissent les Seigneurs d’Auschwitz. D’étonnantes
fortunes s’édifient.
    Entre ces camps de destruction et les camps « normaux »,
il n’y a pas de différence de nature, mais seulement de degré. Buchenwald avait
son enfer : Dora, la fabrique souterraine des V2 ; des semaines sans
remonter à la surface, coucher onze sur deux paillasses, manger et dormir dans
le souterrain à côté des latrines ; tous les soirs, des pendus, et l’obligation
d’assister à la pendaison lente et raffinée ; très souvent, le dimanche, appel ;
et les « musulmans », les faibles, mis à part, envoyés en transport
de destruction pour les camps de l’Est. A Neuengamme, on pendait dans la cour
et, tout un temps, les détenus rassemblés devaient chanter pendant toute la
cérémonie. A Helmstedt, on pendait dans notre dortoir.

VI
IL N’EST PAS D’EMBOUCHURE OÙ LES FLEUVES SE MELENT
    Ce serait une truculente méprise quede
tenir les camps pour une concentration de détenus politiques. Les politiques (et
faut-il encore entendre ce mot dans sa plus grande extension, englobant les
condamnés pour action militaire, les espions, les passeurs de frontière) ne
sont qu’une poignée dans la horde des autres. La couleur dominante est verte. Le
peuple des camps est droit commun. Criminels, voleurs, bandits de toutes
langues, aristocrates féroces et cyniques, détenteurs des pouvoirs, manœuvres
misérables des carrières et des mines, n’ont qu’étonnement et mépris pour les
politiques. Le ton, la mode des camps, leur climat, tout est déterminé par le
droit commun. Les politiques sont la plèbe taillable et corvéable à merci.
    La notion de droit commun doit également connaître une
acception très large. Les Russes, qui composent l’immense masse anonyme des
camps, ne comprennent qu’une infime minorité d’éléments arrêtés directement
pour motifs politiques. Des ouvriers, mais surtout des paysans ukrainiens et
russes déportés dans les usines allemandes et arrêtés par la suite pour vol

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