Madame de Montespan
faïence et beaucoup d’orangers et de jolis pavillons pour se coucher. Elle questionna encore : « Et dans quelle aile de Trianon ? » Je répondis : « Dans l’aile qui donne sur une pièce d’eau. » Elle répétait : « Grands Dieux, je succomberai, je succomberai ! » Depuis lors, je fus son meilleur ami, du reste sa conversation est très agréable, elle fait des vers, écrit et parle bien. »
On a vu que Louis XIV le tenait en amitié ; il lui faisait toute confiance aussi, puisqu’il n’hésita pas, un jour, à l’utiliser à quelque fin diplomatique. Ce jour-là, Sa Majesté, étant fort courroucée contre « son frère » Charles II, demanda au mage Primi de jouer l’homme qui en savait beaucoup, et lui fit commettre de fausses indiscrétions concernant le traité conclu avec l’Angleterre en 1670 {11} .
Étonnement des Anglais, plainte auprès du Roi, colère feinte de ce dernier qui affirma à l’ambassadeur de Grande-Bretagne que ce M. Primi serait embastillé. Et il le fut ! Seulement, l’ambassadeur britannique ne sut jamais à quel régime il fut soumis, ni de combien de livres il fut gratifié, à sa sortie de prison, quelques semaines plus tard.
C’est durant son séjour volontaire dans la forteresse de la porte Saint-Antoine que l’abbé Primi songea qu’il ne serait pas inélégant de se donner du... Visconti. Et c’est donc sous le nom de Primi Visconti qu’il nous laissera de savoureux Mémoires.
La Bastille : le marquis de Péguilin – Antoine Nompar de Caumont, fantasque duc de Lauzun – y fera lui aussi un premier séjour. Son grief ? Il appréciait le lit de Catherine Charlotte de Gramont, gracieuse princesse de Monaco, sur laquelle le Roi faisait plus que jeter un regard ! Une passade royale certes, puisque Sa Majesté retrouvera bien vite les bras de Louise de La Vallière, mais une belle amourette qui dura le temps d’un été : l’été 1665. Il faut dire que Catherine de Gramont, « fraîche comme un sorbet », avait été mariée au prince de Monaco, Louis de Grimaldi, qui était, selon Saint-Simon, « un Italien glorieux et avare, gros comme un muid, ne voyant pas jusqu’à la pointe de son ventre ». Donc Bussy-Rabutin écrira : « Le Roi, tout élevé qu’il était au-dessus des autres hommes, n’était ni d’une autre humeur, ni d’un autre tempérament que les hommes du commun. Quoiqu’il aimât passionnément Mlle de La Vallière, il se sentait épris quelquefois de la beauté de quelques dames, et était bien aisé de satisfaire son envie. C’est ainsi qu’il distingua la princesse de Monaco, que Lauzun aimait. »
On ne pouvait être plus au courant de cette affaire que Bussy-Rabutin, puisqu’à cette époque il résidait lui aussi à la Bastille, pour avoir chansonné avec impertinence les amours du Roi-Soleil.
« Le marquis de Péguilin fut d’abord traité plus rudement que moi, car il n’eut point de valet pour le servir, et quoique je ne lui voulusse alors pas de mal, j’avoue que j’eus une secrète joie de son malheur.
«Je trouvai du soulagement à penser que sa faute était grande et nouvelle, qu’elle effacerait la mienne qui n’était qu’une bagatelle et déjà vieille, que cela ferait du moins diversion à la colère du Roi et que la justice de Sa Majesté, qui s’occupait après moi, ne s’attacherait plus qu’à lui. »
Bussy ne se trompait pas car il obtiendra, en effet, l’autorisation de se retirer en ses terres de Bourgogne où il composera son Histoire amoureuse des Gaules. Quant à Mme de Monaco, un caprice, elle sera vite oubliée, la taille de Louise de La Vallière s’arrondira pour la troisième fois et Athénaïs parviendra à donner à la Reine « une opinion extraordinaire de sa vertu en communiant devant elle tous les jours » ! Mieux, « elle parviendra à s’insinuer dans les bonnes grâces de La Vallière qu’elle ne quittera plus si bien qu’elle passera sa vie avec le Roi et fera son possible pour lui plaire, à quoi il n’était pas difficile de réussir avec beaucoup d’esprit, auprès de La Vallière qui en avait peu », précise La Fare.
Mais avant d’être séduit, le Roi fut ému, sensible à la délicate situation financière à laquelle la marquise était confrontée par suite des frasques de son Gascon. Et c’est pour cette raison, sans doute, qu’on le voit, en cette année 1665, faire à Athénaïs le don d’une succession tombée en
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