Marie
heures, et tu pourras l’aider.
La tension
qui nouait les muscles de Barabbas céda d’un coup. Il jeta un regard vers la
pièce où se tenaient Miryem et Abdias. Ses épaules s’affaissèrent. Si aucune
larme ne passa ses paupières, Rachel et la sage-femme comprirent ce que
signifiait le tremblement de ses lèvres. Elles détournèrent pudiquement la
tête.
Un peu
plus tard, il se coulait dans le bain préparé par les servantes et s’y
endormait, rompu jusqu’à l’âme. La sage-femme sourit et chuchota à l’oreille de
Rachel que l’application de sa médecine pourrait attendre.
Si Miryem
avait entendu la dispute, les protestations de Barabbas, elle n’en montra rien.
Pas plus qu’elle ne s’inquiéta de l’état du guerrier.
Près
d’elle, Mariamne observait son visage et ne le reconnaissait pas. Les traits
sérieux mais accueillants avaient laissé place à une face dure et violente,
emplie d’une colère qui la creusait autant que la tristesse. Le regard fixe
semblait ne pas voir le corps d’Abdias. On devinait, sous les plis de la
tunique, la tension extrême du dos. Le souffle était aussi ténu que celui du
garçon inconscient.
Déconcertée,
Mariamne n’osait prononcer un mot. Pourtant, elle brûlait de savoir qui était
ce jeune am-ha-aretz qui bouleversait tant son amie. Jamais Miryem ne lui en
avait parlé, alors qu’elles s’étaient moquées ensemble, et plus d’une fois, de
Barabbas, dont Miryem aimait à décrire le courage, la détermination, mais aussi
le grand orgueil.
Hésitante,
elle finit par lui effleurer la main.
— Va
prendre du repos toi aussi. Tu as à peine dormi cette nuit. Je resterai près de
lui. Tu n’as rien à craindre. S’il ouvre les yeux, je t’appelle tout de suite.
Miryem ne
réagit pas immédiatement. Mariamne crut qu’elle ne l’avait pas entendue. Elle
allait répéter quand Miryem releva la tête et la regarda. Curieusement, elle
sourit. Un sourire sans joie mais d’une tendresse immense et qui brisa la dureté
de ses traits comme se brise une poterie trop fine.
— Non,
dit-elle avec effort. Abdias a besoin de moi. Ilsait que je suis là et
il a besoin de moi. Il puise ses forces dans mon cœur.
*
* *
Barabbas
se réveilla alors que le soleil n’était pas encore bien haut. Il s’inquiéta
aussitôt de savoir si Abdias avait repris conscience. La sage-femme secoua la
tête et ne lui laissa pas le temps de poser d’autre question avant de le
soigner. Quand elle en eut fini, lui contraignant la cuisse dans un épais
bandage qui lui raidissait la jambe, il s’approcha de Miryem.
Elle n’eut
pas même l’air de prendre garde à sa présence. D’un geste qui n’était jamais
machinal, de temps à autre elle épongeait le front d’Abdias ou déposait
quelques gouttes de breuvage sur ses lèvres. À d’autres moments elle lui
caressait les mains, la joue ou la nuque. Ses lèvres bougeaient comme si elle
prononçait des paroles que ni Rachel ni Mariamne, accroupies de l’autre côté de
la couche, ne parvenaient à comprendre.
Tout à
coup la voix de Barabbas s’éleva, sèche et rêche. Le visage tourné vers Miryem,
comme s’il s’adressait à elle uniquement, il commença à raconter.
— Matthias,
celui qui nous avait rejoints à Nazareth, chez Yossef, est venu un jour près de
Gabara, où l’on se cachait des mercenaires. Il m’a demandé : «Jusqu’à
quand tu comptes faire le rat ? Nous avons besoin de gens pour nous battre
contre Hérode et lui faire beaucoup de mal. Tu as mille hommes prêts à te
suivre. Moi, la moitié seulement, mais j’ai beaucoup d’armes. Surtout, je n’ai
pas changé d’avis. Il faut se battre. Et s’il faut mourir, autant que ce soit
en plantant un glaive dans la panse de ces porcs ! » Il avait raison
et j’étais fatigué de me cacher. Et aussi de repenser sans cesse à tes
reproches, Miryem. Peut-être bien que tu as raison et qu’il nous faut un
nouveau roi. Mais il ne viendra pas juste parce que tu le souhaites. Alors,
j’ai serré les mains de Matthias et j’ai dit oui. C’est ainsi que tout a
commencé.
D’abord,
la surprise avait été leur meilleure arme. Ils étaient assez nombreux pour
organiser des attaques simultanément en plusieurs endroits. Sur un chemin, au
passage d’une troupe, contre les campements et les petits forts dressés aux
abords des villages… Les mercenaires d’Hérode, ne s’attendant pas à leurs assauts,
se défendaient mal et
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