Marie
les murs de pierre.
Comme la première fois, il s’agissait d’y mettre le feu.
Mais cette
fois, au lieu de profiter de la confusion engendrée par l’incendie pour fuir,
ils forceraient les portes. Ils pensaient avoir assez d’hommes pour investir
l’endroit.
En outre,
Barabbas et Matthias ne doutaient pas que, une fois les combats engagés et
devant le fléchissement des mercenaires et des légionnaires, les gens de
Tarichée prendraient les masses, les faux, les haches pour se battre à leur
tour.
— La
seule difficulté, poursuivit Barabbas, c’était de ne pas éveiller la suspicion des
espions d’Hérode. On ne pouvait se trouver à plus de mille dans la ville du
jour au lendemain.
Les deux
bandes s’étaient donc disséminées en petits groupes de trois ou quatre.
Déguisés en marchands, paysans, artisans et même en mendiants, les rebelles avaient
trouvé refuge dans les hameaux des collines, dans les villages de pêcheurs
entre Tarichée et Magdala. Cela prit du temps : presque un mois entier.
— Bien
sûr, certains ont deviné, soupira Barabbas. Mais nous pensions…
Il eut un
geste las.
Qui s’était
laissé soudoyer ? Un traître de la bande de Matthias ou de la
sienne ? Un pêcheur ? Un paysan trop craintif ou un infâme qui
voulait gagner quelques deniers au prix du sang ?
— On
ne le saura jamais, mais je pense que c’est un de chez nous. Sinon, comment
auraient-ils appris où nous dormions, Matthias et moi ? Abdias était avec
nous. C’est ce que le traître a sans doute raconté : que nous étions dans
ce village, Matthias et moi. Qu’il suffirait de nous prendre pour que les
autres n’osent plus se battre.
Deux nuits
avant l’attaque, à la première lueur de l’aube, alors que le village dormait
encore, un déluge de feu s’était abattu sur les chaumières. Dans la nuit, une
grande barque de guerre s’était placée sur le lac à hauteur du petit port. Les
balistes installées à bord avaient projeté des dizaines de javelots enflammés
sur les toits. Tandis que les familles fuyaient dans la panique, une cohorte de
cavaliers romains était entrée dans le village par le nord et le sud. Enfants,
femmes, vieillards ou combattants, les cavaliers massacrèrent sans distinction.
— Pour
eux, c’était facile, reprit Barabbas. La panique était si grande. Les enfants
et les femmes hurlaient, couraient en tous sens avant que les sabots des
chevaux ne les renversent. Les Romains jubilaient. On pouvait à peine se
battre. Et nous n’étions que cinq. Matthias et deux des siens, Abdias et moi.
Matthias est mort tout de suite. Abdias m’a aidé à fuir…
Barabbas
ne pouvait en dire plus. Sa main glissa sur son visage, en une vaine tentative
d’effacer ce qu’il voyait encore.
Le silence
qui s’ensuivit était si intense, si terrible, que l’on perçut la respiration
rauque du jeune am-ha-aretz.
Mariamne,
sans s’en rendre compte, se tenait depuis un moment agrippée à la main de sa
mère. Elle se laissa glisser contre le mur, pleurant sans un bruit, accroupie.
Comme si
elle était de pierre, Miryem ne bougeait toujours pas. Rachel devina combien
Barabbas attendait un mot d’elle. Mais rien ne vint. Simplement, elle déclara
d’une voix sèche :
— Entre
nos mains, Abdias ne vivra pas. Rachel frissonna.
— Que
veux-tu faire ? La sage-femme dit qu’elle ne peut rien faire de plus. Et
ici, à Magdala, personne ne sait soigner mieux qu’elle.
— Il
n’y en a qu’un qui peut lui redonner la vie. C’est Joseph. À Beth Zabdaï, près
de Damas. Il sait soigner, lui.
— Damas
est bien trop loin ! À trois jours au moins. Tu n’y songes pas.
— Si,
c’est possible. Un jour et demi, au maximum, devrait suffire si on ne s’arrête
pas la nuit et si les mules sont bonnes.
La voix de
Miryem était coupante, froide. Il était clair que, durant tout le discours de
Barabbas, elle n’avait songé qu’à une seule chose : le moyen d’atteindre
Damas au plus vite. Elle leva le visage vers Rachel.
— Veux-tu
m’aider ?
— Bien
sûr mais…
Il n’était
plus temps de tergiverser. Cela se voyait : s’il le fallait, Miryem
porterait Abdias dans ses bras jusqu’à Beth Zabdaï. Rachel se mit debout sans
prendre garde au regard stupéfait de Barabbas.
— Oui…
Tu peux prendre mon char. Je vais demander à Rekab de le préparer.
— Il
faut qu’il le rende plus confortable, dit Miryem. Il faut prévoir des
pansements, de
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