Marie
de soins, toi aussi. Va au
moins manger et dormir. Ici, tu ne nous es d’aucune utilité.
Barabbas
se tourna vers Rachel comme s’il ne comprenait pas. Elle soutint son regard.
Des yeux hantés par les horreurs d’un massacre. Elle maîtrisa le frisson qui
lui serrait la nuque et trouva la force d’un sourire.
— Va,
insista-t-elle. Va te reposer. Nous soignerons Abdias.
Il hésita,
jeta encore un regard vers Miryem. Il quitta la pièce sans qu’elle ait un signe
pour lui.
*
* *
Tout le
temps où elles s’occupèrent de lui, Abdias demeura sans connaissance. Son
étrange visage ne trahissait aucune souffrance, plutôt un grand abandon.
Plusieurs fois Miryem approcha sa joue de la bouche du garçon pour s’assurer
qu’il respirait. Tandis qu’elle le lavait des saletés coagulées par la sueur,
ses gestes ressemblaient de plus en plus à des caresses.
Le corps
du garçon était constellé de coups. Des hématomes noircissaient ses cuisses et
la peau sur ses hanches était arrachée. Sans doute l’avait-on traîné sur le
sol, peut-être depuis un cheval et sur une grande distance.
Sans se
l’avouer, Miryem craignit qu’on lui eût également brisé des os. Rachel fit le
même raisonnement. En silence, avec une douceur extrême, elle palpa les jambes
et les bras d’Abdias. Jetant un regard à Miryem, elle secoua la tête. Rien ne
semblait cassé. En revanche, pour ce qui était de la hanche, il était
impossible de savoir.
Les
servantes revinrent avec une grande quantité de linge propre. Le cocher était
allé réveiller une femme du voisinage connue pour sa science des plantes et qui
faisait, à chaque naissance, office de sage-femme.
Quand elle
aperçut Abdias, elle eut un haut-le-cœur et commença à geindre. Avec
sécheresse, Rachel lui intima le silence et lui demanda si elle était capable
de fabriquer des emplâtres pour soigner les plaies et, surtout, pour empêcher
l’hémorragie.
La femme
se calma. Mariamne lui tendit une lampe, qu’elle approcha de la blessure. Elle
examina le garçon avec soin, toute crainte disparue.
— Faire
un emplâtre, je le peux sûrement, marmonna-t-elle en se redressant. Et même un
bandage qui empêchera que ça pourrisse trop vite. Et aussi lui concocter un
breuvage qui soutiendra ce pauvre gamin, si vous êtes capables de le faire
boire. Mais jurer que tout ça le soignera et le guérira, je ne m’y avancerai
pas.
Avec
l’aide de Mariamne et des servantes, la sage-femme prépara un emplâtre composé
de glaise et de sénevé broyés avec des piments et de la poudre de clous de
girofle. Elle envoya les servantes cueillir quantité de feuilles duveteuses des
consoudes et des plantains qui bordaient les allées du jardin. Elle les ajouta
à la préparation, malaxa le tout jusqu’à obtenir une pâte d’une texture
visqueuse.
Entre-temps,
sur ses indications, Mariamne faisait bouillir de l’ail et une racine de
serpolet, du thym et des graines de cardamome dans du lait de chèvre additionné
de vinaigre. Avec cette mixture on soutenait d’ordinaire les vieilles personnes
dont le cœur peinait à battre.
Aidée de
Rachel, Miryem la fit difficilement boire à Abdias, après que la sage-femme eut
recouvert ses blessures de l’emplâtre et à nouveau bandé la plaie. Dans son
inconscience, il régurgitait sans cesse le liquide. Elles durent le lui faire
patiemment avaler goutte après goutte.
Cela
eut-il quelque effet ? Pendant qu’elles le retournaient pour mieux nouer
son bandage, Abdias gémit si fort qu’elles en demeurèrent interdites. N’osant
plus un geste, elles virent ses doigts qui s’agitaient, comme s’il cherchait à
agripper quelque chose. Alors qu’elles le replaçaient délicatement sur le dos,
sa respiration s’accéléra. Il souleva les paupières. Son regard sembla d’abord
ne rien voir. Puis elles devinèrent qu’il reprenait conscience.
Ses yeux
glissèrent sur les visages inconnus de Mariamne et de Rachel. La surprise, la
douleur, la crainte se mêlaient sur son visage aux traits creusés et
prématurément vieillis. Il découvrit Miryem. Un soupir ténu glissa entre ses
lèvres. Il se détendit, bien que sa respiration fût difficile.
Approchant
son visage tout près du sien, Miryem lui serra doucement la main. Elle
chuchota :
— C’est
moi, Miryem. Tu me reconnais ?
Il battit
des paupières. L’esquisse d’un sourire illumina ses prunelles. Il paraissait si
faible qu’elle craignit qu’il ne perde
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