Marie
Joseph d’Arimathie l’a
sauvé de la croix. J’ai fait ce que j’ai dit. La grotte n’était pas son
tombeau. Mariamne crie : Maintenant, où est-il ? Sur la route de
Galilée. Sur la route de Damas. Elle court pour le rattraper. Je sais qu’elle,
il ne l’a pas repoussée.
« Barabbas
nous rejoint à la maison de Nicodème. Il nous apprend les rumeurs de la ville.
Une femme a découvert la grotte ouverte, la pierre de l’entrée roulée. La foule
vient voir. On crie au miracle. On clame : Yechoua était bien celui qu’il
disait. Les prêtres du sanhédrin vont sur le parvis du Temple. Ils
disent : Les démons ont roulé la pierre qui fermait le tombeau du Nazaréen.
Ils ont emporté son corps pour nourrir les enfers !
« Il
y a des bagarres. Barabbas prédit : Ils ne se battront pas longtemps.
Pilatus a fait savoir que les disciples de Yechoua iront sur la croix. Demain,
ils seront doux comme des agneaux.
« Claudia
la Romaine approuve : Jamais je n’ai vu mon époux avoir si peur. Si je
vais près de lui aujourd’hui, il ne me reconnaîtra pas et me jettera dans ses
geôles.
« Barabbas
a eu raison. Trois mois se sont écoulés, déjà les disciples qui entouraient mon
fils au premier jour se sont débandés. Il n’est que Jean qui demeure près de
moi. Les autres pèchent dans le lac de Génézareth. Pour apaiser leur
conscience, certains disent que je suis folle.
« Dans
Jérusalem, le sanhédrin enseigne que Yechoua n’est jamais né comme il est né.
On dit : Sa mère Miryem de Nazareth est une folle qui a couché avec les
démons. Elle n’a pas voulu qu’on le sache. Elle a inventé et masqué la
naissance de son fils.
« Vous,
mes sœurs qui suivez à présent l’enseignement de Mariamne, vous dites : Si
Miryem n’avait pas fait ce qu’elle a fait, Yechoua serait grand aujourd’hui. On
ne l’oublierait pas. Vous dites : Miryem sa mère a refusé la mort de son
fils, mais le Tout-Puissant voulait sa mort pour en faire la colère de la
révolte. Désormais, rien n’adviendra plus.
« Moi,
je réponds : Vous vous trompez. Le Tout-Puissant ne se préoccupe pas de
notre révolte mais de notre foi. La révolte, elle, est entre nos mains aussi
longtemps que nous soutenons la vie contre la mort et la lumière contre les ténèbres.
J’ai voulu que mon fils Yechoua demeure vivant tant que rien n’est accompli de
ce qui l’a fait naître. Rome est toujours dans Jérusalem, l’injustice règne sur
Israël, les puissants massacrent les faibles, les hommes méprisent les femmes…
« Vous
dites : Yechoua est vivant aujourd’hui. Mais nul ne se soucie de
l’entendre, sinon les trois disciples qui lui restent. Vous dites : Sur la
croix, il faisait honte et la vengeance pouvait naître de sa souffrance.
« Je
réponds : La vengeance ne vaut pas plus que la mort. Laissez-la à
l’Éternel Tout-Puissant, Maître de l’univers. C’est une parole de Yechoua.
Qu’on fasse mon procès, car j’ai commis la faute de l’impatience à Cana. Dieu
est courroucé. Je n’ai pas laissé mon fils mourir. Dieu est courroucé. Mais comment
le Tout-Puissant, Dieu de miséricorde, peut-Il être courroucé de voir Yechoua
en vie ? Comment pourrait-Il choisir la souffrance et la malédiction au
lieu de la joie et la bénédiction ? Comment peut-Il vouloir que demain ne
soit qu’une ombre où règnent l’humiliation et la haine des uns pour les
autres ? Que l’Eternel Seigneur pardonne la fierté d’une mère. Celle qui a
donné naissance à Yechoua, celle qui l’a révélé au monde et l’a gardé en vie.
Pour toujours. Amen.
« Voilà
la parole de Miryem de Nazareth, fille de Joachim et Hannah, Marie selon le nom
de Rome. »
Des
mois plus tard, je revins à Varsovie. Je me retrouvai devant la porte de
l’appartement délabré, rue Kanonia, dans la vieille ville. Me reconnaissant,
Maria comprit immédiatement pourquoi j’étais là.
Elle
n’eut pas besoin de me poser de question. Son sourire et son regard étaient
éloquents. Elle me parut plus fatiguée. Mais la lumière dans le clair de ses
yeux était aussi fraîche, aussi éternelle que dans ceux d’une enfant.
— J’ai
fait traduire le texte et je l’ai lu, dis-je.
Elle
approuva d’un signe de tête en accentuant son sourire.
— Et
vous, l’avez-vous lu ? En avez-vous une traduction ?
— Abraham
Prochownik me l’a raconté.
— S’il
n’est pas mort sur la croix, demandai-je,
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