Marilyn, le dernier secret
était en vérité persuadé que le succès de Marilyn relevait du fugace, du phénomène de mode. À lui et à la Fox, dès lors, de demeurer aux aguets pour surfer en tête sur la prochaine vague.
Mais Darryl Zanuck se fourvoyait : Marilyn était unique. Un constat – doublé d'un compliment – proféré par le réalisateur Billy Wilder, lequel, pourtant, admettait avoir eu des pulsions de meurtre à l'encontre de la star durant le tournage mouvementé de Some Like It Hot . Mais voilà, Wilder ne pouvait nier l'évidence : « Le qualificatif d'unique est utilisé à tort et à travers. Mais dans son cas, il s'applique parfaitement. Il n'y en aura jamais une autre comme elle et pourtant, Dieu sait combien il y a eu d'imitations [2] . »
Billy Wilder ne se trompait pas. Et, au bout du compte, l'aveuglement teinté de machisme de Zanuck importait peu. Son charisme crevait la pellicule. Sa présence éclipsait les pâles copies. Marilyn elle-même, pourtant si immature et peu sûre d'elle, ne doutait pas de ce pouvoir sur les foules. Aucune blonde n'était en mesure de lui faire de l'ombre. Non, le problème venait d'une autre teinte. Une menace qui avait l'allure d'une brune aux yeux violets.
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Elizabeth Taylor représentait tout ce dont Marilyn rêvait : une actrice reconnue et à succès. Elle était en effet considérée comme une comédienne sérieuse, de qualité, intello parfois, statut qui fuyait Marilyn bien qu'elle ait passé des centaines d'heures à essayer d'approcher ce type de jeu en suivant les cours de l'Actors Studio. Pis, sa seule tentative pour tenter de s'extraire de son carcan de blonde pas futée s'était soldée par un échec : The Misfists .
Or Elizabeth Taylor poursuivait une trajectoire parfaite. L'actrice avait débuté à 9 ans et rapidement rencontré le succès. En 1943, elle jouait dans Lassie . Les aventures du colley, produites par MGM, fascinèrent le public américain et elle se métamorphosa en enfant-star, idole des adolescentes. Alors que d'autres gamins ne parviennent jamais à négocier le tournant de l'arrivée à l'âge adulte, elle opta pour de vrais rôles. Et s'imposa rapidement comme l'une des actrices majeures des années 1950, cumulant dans cette décennie pas moins de trois nominations aux Oscars.
Or le meilleur restait à venir.
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En 1960, Marilyn incarna Amanda Dell, une actrice de cabaret, dans Let's Make Love , film de Cukor imposé par la 20th Century Fox. Or le scénario original ne tenait pas la route, et ce malgré les modifications apportées par Arthur Miller. Un naufrage. Marilyn détestait le projet mais se résolut à aller sur le tournage quand même. À cela deux raisons : les avocats de la Fox lui avaient clairement rappelé les conditions de son contrat signé en 1956 la liant pour quatre films. Et le premier rôle masculin était tenu par Yves Montand.
La sortie du film, le 8 septembre 1960, confirma le fiasco. Échec sur toute la ligne. Le public bouda l'histoire et la critique lamina la performance de l'actrice. Pour la première fois depuis son arrivée au firmament de la célébrité, la Blonde semblait avoir perdu la main. Hollywood bruissait de rumeurs annonçant sa chute imminente.
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La même année, Elizabeth Taylor accumula les succès, publics et critiques. Si son rôle, un an plus tôt, dans La Chatte sur un toit brûlant , lui avait apporté une troisième nomination aux Oscars, son prochain allait lui offrir la récompense suprême, pour son interprétation de Gloria Wandrous dans Butterfield 8 [3] , tragédie adaptée d'un roman populaire des années 1930. Certes, Taylor n'apprécia guère le résultat final, mais la qualité de son jeu enflamma la presse.
Le 17 avril 1961, le Tout-Hollywood se rassembla au Civic Auditorium de Santa Monica, en Californie. Animée par Bob Hope, la Nuit des Oscars symbolise parfaitement ce passage de relais entre Monroe et Taylor. Alors que Let's Make Love échoue dans sa tentative de remporter le prix de la meilleure bande originale pour une comédie musicale, l'actrice aux yeux violets, elle, triomphe. Sous les applaudissements frénétiques de l'assistance, Elizabeth Taylor, 29 ans à peine, remporte l'Oscar de la meilleure actrice.
Enfonçant un peu plus encore Marilyn dans la dépression.
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Bien sûr, Monroe n'ignorait pas que le succès se mesurait également à d'autres outils, dont le nombre de couvertures de magazines. Mais cette fois encore, sa rivale prenait
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