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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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celle de l’autre. Sur les chevilles, ils constatèrent la présence de plaies identiques à celles des poignets.
    Les pieds présentaient eux aussi plusieurs blessures.
    — Elle a même été blessée en dessous, indiqua une personne depuis l’embrasure de la porte.
    Ils se retournèrent pour voir Adjutor Gagnon, un parent.
    Ne trouvant personne dans la cuisine d’été, il était venu les rejoindre.
    — Selon eux, précisa le cultivateur, cela, tout comme ses yeux au beurre noir, tient au fait qu’elle s’entêtait à marcher pieds nus dans la neige.
    — C’est vrai, elle n’arrêtait pas de sortir sans ses chaussures, précisa la belle-mère.
    Marie-Anne Gagnon, née Houde, se tenait derrière Adjutor. Laisser ces gens faire à leur guise dans sa maison commençait à lui tomber sur les nerfs.
    — Avec le bébé, je ne pouvais pas passer mon temps à la surveiller, continua-t-elle pour se justifier.
    — Retournez-la, ordonna le juge de paix en désignant du doigt le corps émacié.
    Elle posa sur lui des yeux un peu globuleux, puis elle fit non de la tête.
    — Je ne peux pas.
    Tout le monde resta immobile, puis ce fut Adjutor Gagnon qui posa la main sur la hanche de la fillette pour la tourner sur son côté gauche. Le dos des jambes présentait une collection de bleus et de plaies purulentes ainsi que des meurtrissures particulièrement répugnantes à la hauteur des genoux. Sur les cuisses, des marques étroites s’allongeaient parfois
    sur
    une
    longueur
    de
    six
    pouces.
    Chacun
    reconnut les traces d’un bâton.
    Dans cette position, ils constatèrent que les blessures autour des chevilles en faisaient tout à fait le tour.
    — Je me demande d’où cela vient ? fit tout bas Mailhot.
    — Ils l’attachaient sans doute, répondit Arcadius.
    L’évidence s’imposa au juge de paix. Les poignets et les chevilles présentaient la trace de liens très serrés.
    — Crucifix !
    Cette fois, le marchand général perdit toute la contenance si difficilement
    conservée
    depuis
    son
    arrivée
    dans
    cette maison. Il quitta la pièce de façon précipitée en réprimant un sanglot. Les autres replacèrent la fillette sur le dos, tirèrent la couverture jusque sous son menton. Quand ils revinrent dans la cuisine d’été, Mailhot endossait son manteau, debout près de la porte.
    — Madame, où se trouve votre mari, présentement ?
    — Au chantier, répondit Marie-Anne.
    — Faites-le appeler au plus vite.
    — ... A la brunante, il reviendra. Il vient coucher ici tous les soirs.
    L’homme possédait de nombreuses terres à bois. Il pouvait ainsi bûcher tout l’hiver et coucher dans son lit chaque soir.
    — Il aimerait peut-être voir sa fille une dernière fois, avant qu’elle ne laisse échapper son dernier soupir.
    Elle baissa les yeux, affecta la plus grande douleur.
    — Alphonse, continua le juge de paix en se tournant à demi, tu sais où il se trouve ?
    — Oui, c’est à trois milles, tout au plus quatre d’ici.
    — Moins d’une heure, avec ton traîneau. Va le chercher.
    L’autre souhaita protester, mais dans les circonstances, mieux valait obéir au représentant de l’autorité civile. Il quitta les lieux en jurant entre ses dents.
    — Oréus, commença Arcadius Lemay, tout à l’heure j’ai laissé mon cheval à côté de la maison, une couverture sur le dos, attelé à un voyage de bois.
    Tous ces cultivateurs s’inquiétaient de leur cheval demeuré dehors au froid.
    — C’est bon, va t’occuper de l’animal.
    — Je reviendrai dès que j’aurai livré ces bûches.
    Mailhot acquiesça. Comme pour le rassurer, Exilda précisa :
    — Je vais rester tout le temps nécessaire.
    — Vous êtes gentille, votre bru aussi. S’occuper ainsi des enfants...
    Elle haussa les épaules, comme si cela allait de soi.
    Quand il se dirigea vers la porte à son tour, l’abbé Massé, une longue silhouette noire près du poêle, demanda :
    — Vas-tu me ramener ?
    — ... Non. Je suis de très mauvaise humeur, je vais sans doute sacrer tout le long du chemin. Je ne pense pas scandaliser mon cheval, il en a l’habitude. Mais vous...

    La main sur la poignée de la porte, il se retourna pour dire encore :
    — Vous voyez, je viens de confesser un péché en public : je sacre parfois. Souvent même. Vous ne serez pas tenu au secret, dans ce cas.
    Lorsqu’il retrouva son cheval, celui-ci paraissait secoué de longs frissons.
    — Je sais, je sais. Mais crois-moi, tu étais mieux dehors

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