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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore
Autoren: Jean-Pierre Charland
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effroyablement pâle. Les deux yeux étaient noircis, de même que toute une partie du front.
    — Je me demande comment une fillette peut se trouver amochée comme cela.
    — Faites votre travail, je vais m’occuper du mien.
    Seul dans la chambre, le juge de paix allongea la main, toucha la couverture couvrant l’enfant jusqu’au cou, puis le courage lui manqua. Il préférait attendre la présence de témoins.

    *****
Le temps passait lentement, dans un silence oppressant, souligné par le tic-tac d’une horloge accrochée au mur. Les enfants s’étaient réfugiés dans une chambre en compagnie de la bru d’Exilda Lemay. Ils présentaient des visages graves, un peu hébétés. La mort s’était déjà montrée une visiteuse familière. Les fillettes avaient perdu leur mère et les garçons, leur père.
    Chacun
    se
    souvenait
    d’avoir
    vu
    un
    petit
    frère à la peau grise étendu sur les planches. Puis, quelques semaines plus tôt, leur oncle Anthime, qui habitait un peu plus loin dans le septième rang, était passé de vie à trépas.
    Marie-Anne Houde se tenait maintenant dans le salon, après en avoir chassé les occupants. L’abbé Massé demeurait à ses côtés,
    un
    modèle
    de
    constance
    auprès
    de
    sa
    paroissienne.
    Dans la cuisine d’été, Oréus Mailhot occupait une chaise, les coudes posés sur la table, le visage fermé. Exilda Lemay respectait son silence, même si les mots se bousculaient dans sa tête. La porte s’ouvrit bruyamment, deux hommes entrèrent avec une bouffée d’air glacial.
    — Arcadius, s’exclama la femme, te voilà enfin !
    — Je suis passé chez Alphonse.
    L’homme, dans la cinquantaine, portait des bottes en cuir montant haut sur les mollets, un pantalon gris en laine, une veste à carreaux rouges et noirs. Les cache-oreilles de sa casquette se trouvaient rabattus pour le protéger. Son compagnon portait un accoutrement semblable. Ils avaient tous les deux quitté leur terre à bois pour venir chez leur voisin. Une bonne partie de l’hiver se passait à couper du bois de chauffage pour leur consommation ou pour le vendre l’été prochain.
    — Venez avec moi, dit le juge de paix. Je veux vous montrer la fille. Regardez bien, vous aurez peut-être un jour à raconter cela devant un juge. Venez aussi, madame Lemay.
    Arcadius fit le geste de se pencher afin de détacher ses bottes.
    — Laissez, elle lavera son plancher. De toute façon, les visiteurs vont se succéder bientôt.
    Le trio en remorque, Mailhot se rendit une autre fois dans la petite chambre. L’enfant demeurait toujours immobile. Un examen attentif permettait de voir la poitrine se soulever très légèrement, à un rythme irrégulier.
    — Regardez la couleur autour de ses yeux, sur son front.
    — Elle a mangé une maudite volée, souffla Arcadius.
    Exilda m’en avait parlé mardi, mais je ne croyais pas que c’était grave à ce point.
    — Tu ne me crois jamais.
    Le juge de paix s’empressa de chercher un endroit du front sans meurtrissure, y posa les doigts avec délicatesse afin de tourner la tête un peu de côté.
    — J’ai vu cela tout à l’heure.
    — Une grosse bosse, commenta Alphonse Chandonnet.
    — Elle couvre la moitié du crâne, observa la voisine.
    — Et ça d’épais.
    Le voisin montrait un espace d’un bon pouce, entre son pouce et son index. Mailhot acquiesça, se redressa pour empoigner la couverture des deux côtés de la fillette et la descendre lentement, afin de découvrir son corps. Elle portait une jaquette à manches courtes, un vêtement très léger en cette saison. Les bras présentaient des bleus sans nombre, les uns récents, les autres plus anciens. En une série d’endroits, la peau montrait des abrasions, ailleurs, des coupures assez profondes. Les poignets se trouvaient creusés jusqu’à l’os, la blessure en faisait presque le tour.
    — Regardez les doigts, dit Exilda à mi-voix.
    Comme elle le lui avait confié plus tôt, ils étaient enflés au point de paraître difformes. Certains pouvaient être brisés.
    L’homme continuait de descendre le drap. Le vêtement de nuit, retroussé
    à
    mi-cuisse,
    révélait
    d’autres
    bleus,
    d’autres coupures. L’infection rendait certaines plaies purulentes, il en suintait un liquide jaune verdâtre.
    — Les genoux sont comme je vous l’avais dit.
    L’un d’eux apparaissait bien enflé, une impression amplifiée par la maigreur des cuisses et des jambes : la taille de ce genou doublait
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