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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore
Autoren: Jean-Pierre Charland
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au froid qu’en dedans.

    *****
    Mathieu rangeait une série de lettres dans une chemise cartonnée, toutes reliées à l’existence d’un alambic clandestin dans une petite paroisse du comté de Bellechasse. En ces temps de sécheresse alcoolique, les agriculteurs jouissaient d’un avantage sur les habitants des villes : ils trouvaient toutes les matières
    premières
    nécessaires
    à
    la
    fabrication d’alcool dans leur environnement immédiat. Il leur suffisait ensuite d’un tuyau en cuivre et d’un chaudron pour se lancer dans la production d’une boisson réconfortante. La qualité du produit laissait parfois à désirer. Cette collection de dénonciations tenait peut-être à des consommateurs insatisfaits.
    La sonnerie du téléphone fit disparaître son sourire amusé. En plus de permettre à Basile Moreau d’allonger le temps consacré à son repas de midi, les bons et loyaux services de son nouveau stagiaire l’incitaient à rejoindre sa femme bien tôt en après-midi. Parvenu dans la pièce voisine, le garçon décrocha le cornet pour le poser sur son oreille.
    — Bureau du procureur général, comment puis-je vous aider? demanda-t-il, les lèvres près de l’émetteur.
    — ... Qui êtes-vous ?
    — Mathieu Picard...
    — Le jeune monsieur?
    L’employé reconnut alors la personne à l’autre bout du fil.
    — Monsieur Mailhot ? Votre retour à Sainte-Philomène s’est-il bien passé ?
    — Elle va mourir.
    Le jeune homme demeura un moment interdit.
    — La petite fille ? murmura-t-il.
    — Oui. Venez tout de suite. Ce que j’ai vu est horrible.
    — Je préviens immédiatement monsieur Fitzpatrick. Vous êtes chez vous ? Je vous rappelle dans une demi-heure.
    Il allait raccrocher, mais il suspendit son geste pour demander encore :
    — Pour la petite fille, vous êtes certain ?
    — Si vous l’aviez vue...
    Sans prendre la peine de mettre son manteau, Mathieu passa dans l’immeuble voisin. Il trouva Arthur Fitzpatrick en train de ranger des dossiers sur son bureau.
    — Monsieur... vous vous souvenez du marchand venu nous voir ?
    Le stagiaire enchaîna sans attendre de réponse.
    — La petite fille est mourante. Il vient de me téléphoner.
    L’autre se campa dans son fauteuil, songeur. Pourtant, le bonhomme ne lui avait pas semblé tellement convaincant.
    — Il en est sûr ?
    — À son tour, il m’a semblé désemparé.
    Le substitut du procureur songeait déjà au coût politique de cette histoire, si cela s’ébruitait. Un décès, quarante-huit heures après avoir refusé d’apporter son aide, lui vaudrait une mauvaise presse.

    — Nous pourrions envoyer un enquêteur de la Police provinciale, suggéra Mathieu.
    — Evidemment. Mais nous ne nous limiterons pas à cela. Vous allez vous rendre tout de suite chez le docteur Caron. Il a déjà agi comme coroner. Ses besoins d’argent lui feront accepter de se rendre là-bas pour faire enquête.
    — Si la fillette ne meurt pas...
    — Qui nous reprochera d’avoir été trop zélés ?
    Cette diligence ferait oublier la lenteur initiale.
    — Je ferai bien plus : un médecin autopsiste se joindra à vous. Je pense à Marois.
    — Vous voulez dire à eux.
    — Non. Vous serez de cette petite expédition.
    L’employé s’en trouva étonné, puis il demanda :
    — Dans quel but?
    — Vous comprenez ce dont nous aurons besoin, si nous en venons à porter des accusations. Rendez-vous utile, demeurez là le temps nécessaire, et revenez me dire ce qui s’est vraiment passé dans ce trou perdu.
    — Bien, monsieur.
    Le jeune homme ne pouvait répondre autrement : refuser l’exposerait à être remplacé bien vite par un autre stagiaire plus complaisant. Ce ne serait pas la première fois que le bureau du procureur général mènerait une enquête en parallèle à celle de la police.
    — Maintenant, allez prévenir Caron, j’aime mieux ne pas lui donner de détails au téléphone.
    Mathieu s’apprêtait à sortir quand l’autre précisa :
    — Bien sûr, nous allons payer toutes vos dépenses.
    — Merci, monsieur.
    La précision lui enleva un poids des épaules.

    *****

    La rue Claire-Fontaine ne se trouvait pas très loin.
    Néanmoins, Mathieu repassa à la bibliothèque de l’Assemblée législative afin de prendre son paletot. Il arriva au cabinet du médecin un peu après cinq heures. Dans la salle d’attente, Elise se tenait à son poste derrière un petit bureau, régnant sur une dizaine de patients. Les toux et les
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