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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Adjutor Gagnon ?
    — C’est un parent, il ne devrait plus tarder, s’il a écouté la conversation au téléphone, tout à l’heure.
    La femme allait entrer dans le corps du logis principal, quand le docteur Lafond sortit de la chambre, un pli profond au milieu du front.
    Je ne peux plus rien faire, annonça-t-il d’une voix blanche. Elle va mourir.
    Tous les regards se posèrent sur lui, sauf celui de la mère, fascinée par la bouche de son poupon contre son sein. Le juge de paix fut le seul à se manifester.
    - Cela ne se peut pas. Elle a dix ans.
    Elle respire très légèrement, mais je n’arrive plus à percevoir son pouls.
    Le praticien fit un pas en direction de la mère pour demander:
    — Elle est dans le coma depuis combien de temps?
    La femme leva des yeux un peu ahuris, sans répondre.
    Votre fille, quand a-t-elle perdu sa connaissance?
    insista-t-il.
    — Ce matin, elle a eu de la misère à descendre d’en haut, elle déparlait. Je lui ai donné un peu d’eau chaude. Elle s’est endormie à la table, je l’ai mise dans la chambre, là, avant de vous appeler.
    La belle-mère récitait cela d’une voix égale.
    - Monsieur le curé, précisa le médecin, vous devriez lui donner les derniers sacrements. Elle n’en a plus pour longtemps.
    Le prêtre acquiesça, l’air grave. Lui aussi se déplaçait avec un petit sac contenant les instruments nécessaires à l’exercice de son métier. La mère se leva, la voisine s’apprêtait à les suivre. Les enfants voulurent leur emboîter le pas.

    — Ce n’est pas nécessaire que vous assistiez à cela, dit Mailhot à leur intention.
    L’abbé Massé lui jeta un regard noir. L’ecclésiastique trouvait un côté didactique au spectacle des derniers sacrements, afin d’inciter à la vertu et à la préparation à une bonne mort. La scène ferait une impression durable sur de jeunes esprits. La marmaille s’en tint pourtant à la première injonction et se réfugia dans le salon familial.
    Son chapeau à la main, debout près de la porte, le docteur Lafond dit encore :
    — Je reviendrai dans quelques heures.
    Le ton trahissait sa tristesse. Sa prochaine visite serait pour rédiger l’acte de décès. Oréus Mailhot ramassa son paletot sur la chaise, le posa sur ses épaules pour le suivre à l’extérieur. Il prit sur lui d’enlever la robe de buffle du dos du cheval. L’animal posa sur lui un œil noir de reproches.
    — Il n’y a rien à faire pour elle ? demanda-t-il en plaçant la robe dans la carriole.
    — Il est bien trop tard. Si elle m’avait fait venir il y a deux jours...
    — Que voulez-vous dire ?
    — Mardi, la femme Gagnon a téléphoné pour obtenir deux onces de teinture d’iode. J’ai fait envoyer le remède par le maître de poste de Parisville. Je n’ai pas deviné la gravité de la situation.
    Après sa conversation avec Exilda Lemay, comprit Mailhot, Marie-Anne Gagnon avait tout de même fait un petit effort pour soigner sa belle-fille.
    —- Elle ne se réveillera plus, conclut le médecin. Son cœur bat à peine, bientôt il s’arrêtera tout à fait.
    — De quoi souffre-t-elle, exactement ? La voisine a parlé d’yeux noircis, de blessures aux genoux...
    — Elle est couverte de blessures.
    — Jésus-Christ!
    Accablé de remords, le juge de paix revint dans la maison.
    Il se tint près de la porte de la petite chambre, attendant la fin des phrases marmonnées en latin. Quand Exilda Lemay passa la porte, il prit son bras pour lui dire à l’oreille: Appelez les témoins. Ils doivent la voir.
    — C’est affreux, prononça-t-elle dans un sanglot.
    La mère sortit ensuite, les yeux secs, l’air hagard. Elle tenait toujours son bébé dans ses bras, mais pour les derniers sacrements, elle avait eu la décence de reboutonner son corsage.
    Oréus trouva le curé dans la chambre, en train de plier son étole. Il l’arrêta quand celui-ci allait sortir.
    — L’avez-vous bien regardée?
    L'autre se raidit avant d’ajouter d’une voix cassante :
    - Ce n’est pas le premier enfant que je vois mourir.
    - C’est vrai. Dans cette seule maison, c’est le second.
    À l’époque, Marie-Anne Houde vivait déjà sous ce toit, sans être mariée à Télesphore.
    Le curé lui jeta un regard mauvais.
    -
    Vous êtes bien téméraire, pour la juger ainsi. Il ne faut pas croire tout ce que l’on raconte.
    — Avez-vous regardé les yeux de la petite ?
    Aurore présentait un visage couvert d’égratignures,

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