Mathilde - III
Gustave, les deux derniers domestiques de feue la
marquise Charlotte-Henriette de Mauclair de Montélian, qui leur
avait laissé par testament l’usufruit de son hôtel de Bourges,
étaient en fait les « bâtards » de son arrière-grand-père
maternel Aymeric de Mauclair de Montélian, et donc la demi-sœur et
le demi-frère de son grand-père Louis-Octave qu’elle avait toujours
connu les traitant comme s’ils appartenaient à la famille.
Mme de La Joyette en fut troublée mais considéra la chose comme
évidente et elle tint à réunir toute sa maisonnée pour annoncer
qu’elle venait de découvrir des siens parents dont elle avait
jusqu’alors ignoré le lien de parenté. Elle eut également à cœur de
leur rendre visite pour leur témoigner son affection – Amandine et
Gustave n’étaient-ils pas en toute logique sa grand-tante et son
grand-oncle ? – et s’assurer qu’ils ne manquaient de rien,
voire d’une domestique vu leur âge avancé.
Mais qu’elle ne fut pas la surprise de Mme la comtesse –
Marinette en fut témoin car Mme de La Joyette avait tenu que ces
filles et Pierre fussent présents, et elle en fut également toute
saisie – lorsqu’elle découvrit la présence du capitaine Marchal en
l’hôtel des Mauclair de Montélian.
– Vous, monsieur ? fit-elle tout ébaubie, au point d’en
oublier la raison de sa visite impromptue.
Certes, si Miss Sarah n’était restait dans la capitale, elle
aurait su empêcher ce genre de rencontre – ou peut-être
l’avait-elle escompté d’une façon ou d’une autre, songea Marinette
Breton, à moins, et cela l’inquiétait réellement, qu’ils ne fussent
les uns et les autres le jouet d’une machination du préfet Mafouin
dont sa femme eût été de nouveau le truchement.
– Je ne suis que de passage, dit le capitaine Marchal dont la
réponse laissa Mme la comtesse bien plus interloquée encore car
cela supposait qu’il eût pu avoir quelque raison de se trouver en
ce lieu qui lui était pourtant étranger.
– Je crois, monsieur, reprit Mme de La Joyette en pâlissant que
votre réponse est bien courte. Vous me devez pour le moins quelque
explication. À moins, ajouta-t-elle avec une pointe de sarcasme,
que vous ne préfériez fuir de nouveau.
Cette scène insolite apeurait les fillettes et elles étaient
venues se blottir instinctivement contre Marinette Breton qui
entoura leurs épaules d’un geste protecteur en les pressant contre
elle, ce qui la rassura grandement à son tour car l’issue de cet
échange que Mme la comtesse menait telle une passe d’armes
l’inquiétait au plus haut point.
– Je suis tout prêt à m’en expliquer, dit le capitaine Marchal
en esquissant de la main un geste d’apaisement. Mais, enchaîna-t-il
en jetant un bref regard aux fillettes blotties contre Marinette,
je sollicite de votre bienveillance que je pusse m’en expliquer en
privé.
– Soit ! fit Mme la comtesse, semblant aussitôt regretter
sa réponse devant l’empressement de ses « demi-parents »
à lui suggérer de monter au salon du premier pour pouvoir parler en
toute quiétude.
Tandis que Gustave resta au pied de l’escalier comme s’il eût
pour mission d’y monter la garde, Amandine, fort enjouée, entraîna
Marinette et les enfants aux cuisines pour leur servir un
goûter.
Un instant, Marinette Breton sursauta car elle avait cru
entendre un cri étouffé, mais le regard bienveillant d’Amandine lui
fit comprendre qu’elle avait été victime d’une illusion auditive
car, dans cette vieille demeure toute de pierre de taille, on ne
pouvait percevoir aucun bruit tant les murs étaient épais.
Ce fut vers la fin du goûter que le vieux Gustave vint
transmettre les ordres de Mme de La Joyette qui souhaitait que les
enfants rentrassent au manoir avec leur gouvernante.
Comme il se doit, Marinette Breton ne dit quoi que ce fût et ce
n’est que lorsqu’elle allait monter en voiture que le capitaine
Markov lui apprit en aparté qu’il devait venir prendre Mme de La
Joyette le lendemain en fin de matinée.
Le capitaine Markov, disant cela, avait haussé les épaules, mais
il ignorait la présence du capitaine Marchal et, curieusement, les
fillettes, d’habitude si promptes à révéler des
« secrets », turent celui-ci, peut-être à cause de la
crainte que leur avaient toujours inspiré le masque de cuir du
capitaine Marchal et sa barbe broussailleuse. Ou parce que le
mutisme de Pierre les en
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