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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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différence?
    Sentant que son père ne comprenait pas son patriotisme, Jerzy se leva et entra dans sa chambre. Tomasz le suivit.
    – Jerzy! Je t’interdis de mettre à exécution un projet aussi dangereux.
    – Il n’est pas dangereux.
    – Pas dangereux? As-tu au moins conscience de ce qui se passe?
    – Oui. Il se passe que la Pologne a besoin de tout son monde.
    – Mais non, Jerzy. Il se passe que trop de réservistes se sont rapportés et que l’armée a toutes les peines du monde à les équiper et à les nourrir. Il se passe que des civils s’emparent des armes de ceux qui ont été tués et que, sans connaissance aucune de leur maniement et du commandement militaire, ils pensent abattre l’ennemi. Ce sont eux qui tombent, Jerzy.
    – Malgré tout mon respect, papa, je pense que tu n’exprimes que ton point de vue.
    Tomasz fut si interloqué par la réaction de son fils qu’il ne sut quoi ajouter.
    – Je pars ce soir.
    Tomasz, furieux, retourna au salon. Zofia venait de rentrer. Devant le regard de son mari, elle devint livide. Seule une catastrophe avait pu le courroucer à ce point. Elle alla à la cuisine porter les quelques provisions qu’elle rapportait et vint le retrouver. Il frottait ses lunettes avec tellement de force qu’elle craignit qu’il n’en brise le verre. Elle entendit du bruit venant de la chambre de Jerzy et s’y rendit, certaine qu’il n’était pas étranger à l’humeur de son père. Elle aperçut un havresac reposant sur le plancher. Jerzy regarda sa mère eteut une soudaine envie de pleurer. Il ne voulait surtout pas la chagriner.
    – Papa est en colère.
    – Peut-être.
    – Je ne comprends pas. C’est lui-même qui ne cesse de dire que notre Pologne est perpétuellement en chantier on l’étire, la rétrécit, la pétrit et la reconstruit, et, quand tout semble rentrer dans l’ordre, on la démolit. Mes amis et moi, nous voulons avoir la plante des pieds dans la terre. Faire un bouclier avec nos corps pour empêcher les envahisseurs...
    Zofia mit trois doigts sur la bouche de son fils. Elle ne voulait plus l’entendre parler de sa folie guerrière. Elle tenta gauchement de lui expliquer qu’à la défensive ou à l’offensive lui et ses amis seraient quand même vulnérables. Pendant qu’elle essayait de ralentir les ardeurs de Jerzy, Tomasz sortit de l’appartement. Elle s’en inquiéta mais n’en dit rien, réussissant à convaincre Jerzy de ne pas partir avant d’avoir mangé une dernière fois avec son frère et sa sœur. Jerzy se plia à sa demande.
    – Jerzy, je ne veux pas que tu dormes dans le ventre de la terre polonaise.
    Zofia parlait en lui caressant une épaule.
    – Ni dans le ventre d’aucune autre terre. Pas maintenant. Dieu confie deux ventres à l’homme. Celui de sa mère, qui le fait naître, et celui de sa femme, pour qu’il y sème une autre vie.
    Elle prit la main de son aîné et la posa sur son ventre qui approchait de plus en plus de l’éclosion. Jerzy, retenant un reniflement, se passa un doigt sous le nez et se racla la gorge.
    Le souper fut lugubre. Tomasz picora dans son assiette, qu’il repoussa presque avec violence en déclarant qu’il n’avait plus faim. Tout dans son attitude mettait sa famille mal à l’aise, Zofia la première. Elle savait que Jerzy ne changerait pas d’idée et, tout comme Tomasz, elle était certaine qu’il courait à sa perte. Elle aurait quand même préféré le voir les quitter avec une relative sérénité et en voulut à Tomasz de lui faire la tête.
    Jan et Élisabeth ne cessaient de se regarder, conscients que quelque chose de grave leur échappait. Élisabeth avait presque peur de son père, ne l’ayant jamais vu aussi sec et aussi tranchant. Jan faisait des efforts magistraux pour manger le plus silencieusement possible, déposant ses ustensiles doucement et mastiquant lentement. Zofia essayait d’alléger l’atmosphère en parlant du bébé qui ne cessait de lui donner des coups de pied. Personne ne sembla l’écouter, encore moins Tomasz qui n’appréciait pas qu’elle parle de son corps avec autant de légèreté. Zofia proposa une soirée musicale, que Tomasz et Jerzy refusèrent, au grand étonnement des trois autres. Élisabeth s’enferma dans sa chambre et joua seule de son violon tandis que Jan regarda les pages de son herbier. Tous les deux ne comprenaient rien à la lourdeur de l’atmosphère de la maison. Pendant que Zofia mettait la cuisine en ordre, Tomasz

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