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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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queues de betteraves et les oignons. Il marcha péniblement les derniers kilomètres le séparant de Cracovieet se retrouva finalement devant la maison. Il ouvrit la porte du hall et passa devant la loge de M me Grabska qui l’aperçut et sortit en criant.
    – Il faut vous nettoyer la figure tout de suite, pauvre petit. Qu’est-ce qui vous est arrivé?
    Elle s’empressa de prendre un de ses sacs et de le précéder dans l’escalier. Elle frappa à la porte des Pawulscy. Ce fut Tomasz qui ouvrit et, apercevant son fils, il tomba littéralement dans ses bras déjà trop pleins.
    – J’ai eu terriblement peur que tu ne sois retenu en route.
    – Le seul endroit où j’aurais pu être coincé, c’est dans la chaîne de la bicyclette de M. Jacek.
    M me Grabska posa le sac qu’elle avait monté et les quitta. Tomasz, secondé de Jan, aida Jerzy à vider le plus profond de ses goussets, nulle pelure d’oignon ne trouvant grâce.
    – C’est tout ce que j’ai réussi à apporter. Heureusement que tu as pu aller chercher des légumes le mois dernier.
    Zofia, le ventre rond de quatre mois de couvaison, les rejoignit. Elle vit la blessure et l’examina avant d’embrasser Jerzy qui n’osait la regarder, décontenancé par sa silhouette alourdie. Il avait bien reçu la lettre dans laquelle elle annonçait sa grossesse, mais de la voir ronde comme une jeune femme lui fit prendre conscience qu’elle et son père faisaient encore...
    – Va te nettoyer le visage, Jerzy. Je ne voudrais pas que ça s’infecte.
    Il revint, deux sparadraps sur la joue, et réussit finalement à observer sa mère. Comme tout enfant, il avait toujours trouvé sa mère jolie. Maintenant, il devaitl’avouer, elle avait l’air encore plus radieuse, contrairement à son père dont les cheveux gris s’acharnaient à lui colorer les tempes.
    – Nous pourrions aller chercher le reste. J’ai tout caché à environ une heure de marche d’ici.
    – Des ventres bien remplis oublient l’ennemi...
    Zofia ne termina pas sa phrase, Tomasz lui ayant fait signe de se taire. Elle fut surprise de le voir si prudent dans leur propre maison.
    – Nous pouvons quand même parler chez...
    – Plus maintenant, Zofia. Nous devons apprendre à nous taire, à faire comprendre nos pensées et à agir.
    Tomasz entra dans la chambre et s’allongea près de Zofia qui attendait le sommeil, couchée sur le dos, les mains posées sur le ventre. Tomasz la caressa doucement. Zofia se tourna vers lui et lui chuchota son soulagement que Jerzy se fût empressé de rentrer et qu’ils eussent pu, la veille, récupérer les provisions qu’il avait cachées. Tomasz soupira.
    – Demain matin, je vais télégraphier à François et lui demander d’accueillir les enfants au Canada.
    – Quoi?
    Zofia repoussa sa fatigue et déclara qu’il n’était pas question qu’ils se séparent.
    – Tu n’y penses pas, Tomasz! Tu as dit toi-même que tu voulais rester ici. Jerzy n’a que dix-sept ans et tu voudrais qu’il soit responsable d’Élisabeth et de Jan?
    – Jerzy est un homme, Zofia.
    – Voyons, Tomasz! Reviens sur terre... Tu les vois partir de Pologne et se rendre jusqu’au Canada? Seuls?
    – Oui, je les vois très bien, Zofia.
    Tomasz se leva, alluma et mit ses lunettes. Il vit que Zofia refoulait des sanglots qu’attendaient des larmes silencieuses qui lui avaient déjà bien humecté les joues.
    Si l’épuisement avait presque eu raison d’eux quand le clairon avait sonné la dernière heure du 31 août, ils étaient encore tous les deux complètement éveillés pour l’entendre sonner la quatrième heure, le lendemain matin.
    – Mais si la guerre n’éclate pas, Tomasz?
    – Crois-moi: d’ici Noël, l’Europe va être en guerre.
    – Pour défendre la Pologne?
    – Zofia, nous ne reviendrons pas là-dessus.
    – Mais le bébé?
    – Zofia...
    Zofia, les yeux bouffis de fatigue et de chagrin, capitula. Tomasz l’avait convaincue qu’il était préférable que les enfants fassent leur année scolaire au Canada. «Ça ne sera pas pire que le pensionnat», avait-il dit.
    – Tu vas télégraphier aujourd’hui?
    – Oui.
    Zofia s’étendit près de Tomasz, acceptant de lui faire confiance mais suppliant Dieu, comme l’avait fait le Christ au jardin des Oliviers, d’éloigner le calice. Elle s’endormit dans les bras de son mari, qui ronflait occasionnellement à petits coups saccadés et opprimés. Avant même que le clairon n’ait eu le temps de

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