Même les oiseaux se sont tus
l’évier. M me Favreaului savonnait énergiquement la chevelure qu’elle avait fort longue et bouclée.
– Tes cheveux sont extraordinaires. Est-ce que cela te dérangerait beaucoup si, après les avoir lavés, je les enroulais pendant une vingtaine de minutes dans une serviette qui sent bon le thé des bois?
Élisabeth fit comprendre que cela ne la dérangeait pas.
M me Favreau lui enturbannait la tête quand Jan revint, une pile de vêtements dans les bras. Il ne remarqua même pas la tête de sa sœur tant il était excité.
– Je peux prendre ceux-ci?
– Bien sûr. J’espère que tu as pensé aux sous-vêtements et aux chaussettes. Est-ce que tu as remarqué qu’il y avait une valise à côté du divan? Il faudrait que tu commences à la remplir.
Jan allait d’étonnement en étonnement. Il n’y avait qu’une explication à ce qui lui arrivait: il venait d’avoir la permission de jeter un coup d’œil dans le paradis. L’enfer était définitivement derrière lui.
Jan entra dans le bain et poussa un soupir de bien-être. L’eau chaude le caressait jusqu’au cou. Il se savonna généreusement et ne remarqua pas la couleur de l’eau, qui fonçait au fur et à mesure qu’il y trempait son gant de toilette. Il se trouvait tellement bien dans le bain qu’il ne cessait d’ouvrir le robinet pour réchauffer l’eau. Quand il vit qu’il avait la peau des doigts complètement ratatinée, il se résigna à tirer sur le bouchon. Lorsqu’il arriva dans la cuisine, M me Favreau lui suggéra de se relaver les cheveux dans l’évier.
– Une petite gâterie de plus, Jan. Je lave en grattant derrière les oreilles.
Jan se plia à ce caprice par politesse. À son âge, on aimait bien faire ces choses seul. Il remarqua alors le turban sur la tête de sa sœur au moment où elle les quittait pour se choisir à son tour une garde-robe.
– Qu’est-ce qu’elle sent, ma sœur?
– Le thé des bois. C’est un merveilleux traitement pour nourrir les cheveux, régénérer le cuir chevelu et redonner de la brillance.
– Vous n’allez quand même pas…
– Oui, monsieur. Si tu ne veux pas commencer à perdre tes cheveux à vingt ans…
Jan la laissa faire mais il détesta se voir en fakir. Heureusement, le martyre fut de courte durée. Déjà Élisabeth était de retour à l’évier pour faire rincer sa lourde chevelure dans de l’eau vinaigrée. M me Favreau l’accompagna ensuite au salon pour vérifier si elle avait fait un choix judicieux.
– Quand on est jolie comme toi, Élisabeth, on ne peut pas vraiment se permettre de le cacher.
La main sur la bouche, Élisabeth sourit de plaisir.
– J’ai besoin de ton aide, Élisabeth. Il va falloir que je te démêle les cheveux et ils sont terriblement longs. Qu’est-ce que tu dirais si je les coupais… disons… ici?
Elle avait indiqué un endroit, à trois centimètres au-dessous de la nuque. Élisabeth fronça les sourcils, mais, faute de trouver comment refuser, elle acquiesça. Cela la chagrinait énormément. Marek lui avait toujours dit qu’il aimait sa chevelure même si elle avait parfois perdu d’innombrables mèches de cheveux. Toutefois, depuis qu’elle et Jan avaient atteint le camp de réfugiés et qu’ils avaient recommencé à manger à leur faim, ses cheveux avaient cessé de tomber et sa tête s’ornait maintenant d’une nouvelle toison.
M me Favreau prit les ciseaux et coupa avec application une première mèche bouclée.
– Oh non! Je ne peux pas croire! Quel genre de monde est-ce qu’il y avait dans le bateau avec toi, Élisabeth?
– Je ne sais pas, moi. Toute sorte de monde.
– C’est bien ce que je craignais.
Jan ne perdit pas un mot de la conversation. Il eut l’impression que M me Favreau leur cachait quelque chose.
– C’est dommage, Élisabeth, mais il va me falloir couper un peu plus. Parce que ce genre de monde t’a refilé des parasites! Quel manque d’hygiène! Mais je m’en occupe. J’ai un peigne fin dans ma pharmacie.
Jan grimaça et Élisabeth frissonna. Elle eut terriblement honte que cette femme lui ait lavé la tête et joué dans les cheveux. Quand à Jan, il se demandait si elle en trouverait aussi dans ses cheveux.
Élisabeth regarda ses boucles tomber sur une feuille de journal. De temps en temps, elle jetait un coup d’œil à Jan pour savoir si elle était toujours jolie. Jan souriait pour l’encourager. Les cheveux courts lui allaient très bien. Elle endura le peigne
Weitere Kostenlose Bücher