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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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fin sans broncher, frissonnant quand elle apercevait un cadavre de pou coincé entre les dents.
    – Ils sont tous morts?
    – D’après moi, ils n’ont pas toléré le thé des bois et l’eau vinaigrée. Quelle merveille!
    Le tour de Jan vint et elle lui coupa les cheveux à lui a aussi.
    – Peut-être que j’aurais dû vous dire qu’avant mon mariage je travaillais comme coiffeuse.
    Jan fut rassuré mais il n’avait pas vraiment eu besoin de l’être, la tête de sa sœur étant tout à fait réussie. Élisabeth revint du salon portant une robe marine imprimée de minuscules fleurs rouges, jaunes, bleu pâle et blanches. Elle tourna devant Jan qui la trouva ravissante. M me Favreau, elle, fut impressionnée par la métamorphose.
    – Tu es belle à croquer, Élisabeth.
    M. Favreau remonta de l’épicerie avec son tablier sali par le travail et s’exclama devant le changement.
    – Ma foi, si je ne vous avais pas laissés ici moi-même, c’est à peine si je vous aurais reconnus. Est-ce qu’on mange? Parce que moi je veux promener mes amis un peu dans Montréal avant de les reconduire à la gare.
    M me Favreau souleva le couvercle d’une casserole et convia tout le monde à table. Jan ne se fit pas prier et Élisabeth s’assit elle aussi, étonnée de voir qu’il n’y avait pas de serviettes de table. Elle mangea avec appétit un bouilli de légumes fait avec du chou, des pommes de terre, des carottes, de l’oignon et de la volaille, mais Jan, lui, dévora. Les Favreau jetaient de discrets coups d’œil dans sa direction, levant parfois les épaules de tristesse.
    – Ce chou est excellent. Tous les étés, nous allions à Wezerow pour la récolte de choux. La récolte des pommes de terre aussi. Ces choux-ci sont gras. Comme je les aime.
    – Et de quelle ville venez-vous?
    Jan répondit volontiers, se contentant de résumer l’histoire de sa famille, omettant les détails scabreux qui auraient pu rouvrir ses plaies et celles de sa sœur. Les Favreau opinaient parfois du chef, ne posantaucune question, ne faisant aucun commentaire. Le repas se termina sur une tarte aux pommes servie avec de la glace à la vanille. M. Favreau se leva enfin et les invita à faire un tour de Montréal.
    – Un tour, c’est vite dit. Disons: un clin d’œil.
    Élisabeth accepta avec empressement alors que Jan lambina, regardant sans cesse en direction de l’escalier conduisant au magasin. Il osa enfin demander la permission d’y retourner, ce qui enchanta M. Favreau.
    – Certainement. J’y vais avec toi.
    Jan le suivit, absolument ravi. Comble de joie, M. Favreau prit le temps de lui prêter un tablier et Jan eut la permission de servir un client. Il réussit à ouvrir la caisse enregistreuse, mais, lorsqu’il eut à rendre la monnaie, il regarda M. Favreau, désespéré. Ce dernier éclata de rire et le remplaça. Élisabeth les rejoignit et Jan, avec elle, commença à se promener dans les allées, regardant la quantité de produits étalés devant eux. Jan jubilait, Élisabeth déprimait.
    – Tu te rends compte, Élisabeth? Il y aurait eu assez de nourriture dans ce magasin pour nous nourrir pendant deux ans, peut-être plus.
    – On dirait qu’ici la guerre n’a jamais existé.
    Le client était sorti et M. Favreau demanda discrètement à son ami de le laisser seul avec ses protégés. Il s’approcha d’eux et prit Jan par l’épaule. Jan ne se rebiffa pas.
    – Quand je suis arrivé de Pologne, je t’avoue, Jan, que je ne savais pas du tout ce que je ferais. Je suis ici depuis plus de vingt-cinq ans et je ne l’ai jamais regretté. Peut-être des petites choses, mais pas plus. Il faut dire que M me Favreau m’a toujours rendu la vie agréable.
    Élisabeth s’était arrêtée devant le comptoir de fruits. Jan eut soudainement peur qu’elle y aperçoive des fraises; aussi s’approcha-t-il d’elle le plus rapidement possible. Il n’en vit pas. M. Favreau les rejoignit et, pensant bien faire, commença à leur dire que pendant la guerre ils n’avaient pas eu de grosses difficultés d’approvisionnement, leurs produits étant tous cultivés en Amérique.
    – Mais ce n’était quand même pas facile. Même ici, on a eu du rationnement.
    Personne n’avait remarqué qu’Élisabeth changeait d’expression à chaque phrase de M. Favreau.
    – Nous, à la fin de la guerre, nous n’avons plus eu de rationnement.
    Élisabeth avait lancé sa réplique d’un ton si sec que Jan la regarda sans

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