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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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d’aller chercher M me Favreau pour qu’elle soit à la gare elle aussi. Ils revinrent donc chez lui et M me Favreau s’assit devant, répétant sans cesse que, franchement, il aurait pu lui en parler avant, qu’elle n’avait pas de robe propre et que ses cheveux étaient tout ébouriffés. M. Favreau se moquait d’elle tout en cherchant un regard approbateur chez ses passagers. Il fit un détour par le parc LaFontaine et s’arrêta devant un édifice de brique brune.
    – Ça, c’est une salle de musique. Il y a aussi des cours. En tout cas, moi, je ne connais pas ça, mais je pense qu’il y a souvent des concerts.
    Élisabeth sembla impressionnée.
    – Est-ce que c’est un conservatoire?
    – Je ne pense pas, mais je ne connais rien là-dedans.
    Il prit ensuite la rue Cherrier et tourna dans la rue Saint-Denis, où il stationna.
    – Tout le monde me suit.
    Ils entrèrent dans le magasin de M. Jacques Bernard, marchand de chaussures. M. Favreau leur en acheta chacun une paire, que M me Favreau les aida à choisir. Jan et Élisabeth en demeurèrent bouche bée.
    – Il était temps de donner congé à votre mal de pieds. Vous êtes trop jeunes pour avoir des cors.
    La séparation, à la gare, fut étonnante, tant pour eux que pour M. Favreau.
    – Je sais que vous allez être très bien là où vous allez, mais si jamais vous voulez revenir, M me Favreau et moi on sera là. J’aurai toujours besoin de quelqu’un pour m’aider dans le commerce.
    Il n’ajouta glus rien, les embrassant à tour de rôle à deux reprises. Élisabeth, cette fois, ne se rebiffa pas. La nervosité et la tristesse du départ la firent s’excuser quelques instants, le temps d’aller au petit coin. M me Favreau décida de l’accompagner. Pendant leur absence, M. Favreau remit à Jan une feuille de papier sur laquelle il avait inscrit son nom, son adresse et son numéro de téléphone. Jan sortit de ses poches les lunettes de son père et commença à dérouler le mouchoir, maintenant retenu par un élastique. M. Favreau le regarda faire et aperçut les verres.
    – C’est tout ce que j’ai trouvé après le meurtre. C’étaient les lunettes de notre père.
    Jan eut un sourire attendri.
    – Il était affreusement myope.
    M. Favreau mit sa main dans sa poche et en ressortit un mouchoir propre et repassé qu’il tendit à Jan.
    – Il est temps qu’elles soient protégées dans un mouchoir propre. Des lunettes de père, il faut que ça voie clair.
    Jan accepta l’échange et lui remit sa guenille. Presque religieusement, il enroula le mouchoir autour des lunettes et du bout de papier que M. Favreau lui avait remis. Favreau glissa le mouchoir de Jan dans sa poche.

32
    Jerzy regardait la pluie tomber sur les échafaudages et les hommes ruisseler sous l’attaque violente des gouttes, aussi agaçantes que des aiguilles d’infirmière. Il essayait de freiner sa nostalgie en se rappelant les odeurs extraordinaires qu’exhalait la terre après ces douches revigorantes. C’est surtout l’odeur des tomates qui embaumait son souvenir.
    À deux reprises, il était retourné voir où en était son dossier d’émigration et, les deux fois, on lui avait dit que tout suivait son cours. Il avait finalement mis Pamela au courant de ses démarches et elle avait soupiré, comme si elle venait de recevoir un coup de grâce à la fois douloureux et apaisant.
    – Ça me chagrine, Jerzy, mais j’aime autant te savoir heureux ailleurs que te voir malheureux ici tous les jours de ta vie.
    Il en avait été soulagé, préférant penser qu’elle était sincère plutôt que d’essayer de comprendre pour quelles raisons elle le laisserait partir sans dire un mot. L’incroyable passion qu’il avait eue pour elle s’était changée en admiration. Jamais une femme ne pourrait lui apporter autant qu’elle l’avait fait. Toute sa vie, il lui en saurait gré.
    La lettre fut livrée le 12 octobre 1947. Pamela, rentrée la première, attendit Jerzy, anxieuse d’enconnaître le contenu. Il arriva enfin, blanc de poussière.
    – Des jours comme aujourd’hui, j’aime autant qu’il ne pleuve pas, parce que j’ai l’impression que je serais changé en statue de plâtre. Ce serait merveilleux, non? Moi en monument grandeur nature, commémorant la reconstruction de Londres. Une statue intitulée:
Polonais en exil qui se construit une patrie
.
    Il rit de bon cœur et Pamela aussi. Jerzy était toujours imprévisible. Hier, il se serait plaint

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