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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Wiazemsky
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L’oncle de Claire, le frère de son père, l’abbé Jean, est mort dans des conditions pour l’instant mystérieuses. Claire voit la souffrance de ses parents, de son père surtout ; ses efforts pour dissimuler son chagrin de manière à bien accueillir le nouveau venu. Dans des circonstances moins tragiques, elle sait qu’il aurait été plus attentif, qu’il aurait posé plusieurs questions à Wia concernant ses projets d’avenir, ses goûts, sa religion. Elle sait encore qu’il aurait demandé à rencontrer sa famille de façon à se faire une idée plus complète de son futur gendre.
    Elle essaye d’expliquer cela à Wia qui refuse d’en tenir compte. Pour lui l’entrevue est un succès puisqu’il a obtenu sans aucune condition préalable la main de Claire. Il leur reste deux heures à passer ensemble avant qu’il ne prenne le train pour Compiègne et ils choisissent de se promener au Quartier latin.
    Il fait très froid, on a annoncé de la neige et ils arpentent, enlacés et amoureux, les allées du jardin du Luxembourg. Ils y croisent d’autres couples qui leur ressemblent et cela les amuse. Claire a oublié ses craintes, cette sensation désagréable que ses parents n’ont pas bien perçu qui était Wia et qu’ils pourraient, peut-être, revenir sur une autorisation trop vite accordée. Elle vit avec une extraordinaire intensité le bonheur physique d’être dans ses bras, la certitude que, malgré tout ce qui les différencie, elle sera heureuse à ses côtés. Elle se sent étrangement détachée de ce jardin, si beau dans la brume de décembre, de Paris.
    — Où allons-nous nous marier ? demande-t-elle soudain
    — Où tu veux.
    — À Berlin. Notre vie est là-bas. Notre vraie vie...
    — Mais pour nos parents qui ne sont plus de la première jeunesse, l’inconfort de Berlin peut leur sembler insupportable, tu ne crois pas ?
    — C’est à Berlin que sont tous nos amis.
    Ils marchent un instant en silence. Wia désigne à Claire une statue.
    — Quand nous étions enfants, ma mère nous emmenait ma sœur et moi jouer au jardin du Luxembourg. Elle donnait toujours rendez-vous à d’autres mères russes au pied d’une des reines de France. Je les connais par cœur : Marguerite de Valois...
    Mais Claire ne l’écoute pas. Elle songe à ses propres souvenirs d’enfance, à cette mystérieuse tristesse qui est en elle et qui a grandi avec elle sans jamais disparaître. Une tristesse qui s’atténuait lors des grandes vacances d’été, en Gironde et dans les Landes, mais qu’elle retrouvait à Paris dès la rentrée scolaire. Brusquement, elle s’entend dire :
    — Quand nous aurons terminé nos missions à Berlin, je crois que je n’aimerai pas revenir vivre à Paris...
    — Où, alors ?
    — Je ne sais pas. Dans un pays étranger. Loin.
    Claire comprend que Wia plus que n’importe quel autre homme peut exaucer ce désir d’être ailleurs. Et si c’était pour cette raison qu’elle l’avait choisi ?
     
    Presque deux mois se sont écoulés depuis leur séparation, gare du Nord. Claire a trouvé le temps long malgré sa famille, les heures passées avec ses amis, avec Martine, sa coéquipière de Béziers, qui a eu un petit garçon. Seule ou accompagnée, elle est allée au théâtre assister à la création de pièces d’auteurs pour elle inconnus : Les Bouches inutiles de Simone de Beauvoir, Caligula d’Albert Camus ou à une reprise : Les Parents terribles de Jean Cocteau. Au cinéma, elle a revu trois fois un film qui l’enchante et qu’elle rêve de faire découvrir à Wia : Les Enfants du Paradis . Elle a écouté de la musique, fait les magasins pour trouver des cadeaux à rapporter à ses compagnes de la Croix-Rouge.
     
    C’est en chantonnant que Claire achève de remplir ses valises. Ce matin, elle est allée chez le coiffeur et chez la manucure. Elle se veut belle pour Wia qu’elle va retrouver en fin de journée si l’avion pour Berlin décolle à l’heure prévue. D’ici là, un déjeuner familial réunira une dernière fois ses parents, ses frères, sa sœur, son mari et leurs deux petites filles.
    Claire sort de la penderie l’uniforme bleu Royal Air Force qu’elle va revêtir. Elle aime la longue veste cintrée où brille la croix de Lorraine ; la jupe droite. Elle sait qu’en abandonnant ses vêtements civils, elle retrouvera une nouvelle assurance, une légitimité. Elle a hâte de reprendre son travail d’ambulancière et de

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