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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Wiazemsky
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retrouver le 96 Kurfürstendamm.
    En achevant de mettre de l’ordre dans ce qui est encore, pour peu de temps, sa chambre de jeune fille, elle retrouve l’album de photos qu’elle avait constitué au retour de vacances passées à Montgenèvre en 1938 et 1939. Elle feuillette lentement les pages, laisse les souvenirs l’envahir. Celles qui l’intéressent le plus concernent le printemps 1938. Sa sœur et elle logent au petit hôtel La Chaumière, ce sont leurs premières vacances sans parents, la découverte, pour elles bouleversante, de la liberté. Elles s’y font tout de suite beaucoup d’amis et deviennent les jeunes filles les plus en vue de la station. Tout le monde s’arrache les « délicieuses petites Mauriac », comme on disait alors.
    Claire s’attarde plus longuement sur une photo les représentant sur le balcon en bois du chalet, avec en arrière-plan une chaîne de montagnes enneigées. Elles sont en chemisette et prennent visiblement un bain de soleil. Luce les yeux fermés sourit de plaisir. Claire, les yeux grands ouverts, rêve, comme absente. À quoi pense-t-elle ? D’autres photos montrent les deux sœurs au milieu de la petite bande qui très vite s’était constituée et dont elles étaient les reines. Claire s’émeut un long moment sur les images d’un beau et solide jeune homme, Jock, toujours à ses côtés. Elle se souvient l’avoir rencontré dans la boîte de nuit Les Rois Mages alors qu’il faisait son service militaire. Elle se souvient de leurs randonnées à ski, du bonheur qu’ils avaient à être ensemble, puis de leurs retrouvailles à Paris et de tous les projets qu’ils avaient eus avant que la guerre ne les sépare. Claire se souvient absolument de tout ce qui concerne Jock. Elle ne comprend plus pourquoi c’était avec Patrice qu’elle s’était fiancée. « Jock est mort décapité à Cassino, en Italie », pense-t-elle avec douleur en refermant l’album de photos. « C’est du passé », dit-elle à haute voix. Huit années la séparent de la jeune fille de Montgenèvre, presque une vie. « Du passé », répète-t-elle toujours à haute voix. Et ces mots, dans le silence de la chambre, devant les valises terminées, résonnent avec une farouche détermination.

 
    Une banderole est tendue en travers de l’escalier du 96 Kurfürstendamm sur laquelle on peut lire : « Bienvenue aux premiers fiancés de Berlin. » Des applaudissements éclatent à tous les étages de l’immeuble quand Wia fait son apparition en tenant Claire par la main. Il irradie de joie, de fierté, se retourne à chaque marche pour la contempler encore et encore. Elle est émue au-delà de tout ce qu’elle avait pu imaginer dans l’avion. Quand Mistou, puis Rolanne l’embrassent et lui expriment leur bonheur de la retrouver, Claire ne peut plus retenir ses larmes. C’est dans les bras de Rolanne qu’elle trouve refuge. Elle y pleure comme une enfant tout en répétant : « Je suis si heureuse, si heureuse... » Mais Wia très vite la détache des bras de Rolanne et tout en la soutenant par la taille, la conduit à l’étage suivant où son équipe les attend. Nouveaux applaudissements, nouvelles embrassades. Léon de Rosen les étreint l’un après l’autre, les félicite. « Vous avez fait le bon choix. Tout le monde ici est fier de vous. Que Dieu vous bénisse. » Son sérieux, la raideur de son maintien, c’en est trop pour Claire, après les larmes, elle éclate de rire. « Que vous êtes comique, Rosen, que vous êtes comique... » Sans bien comprendre ce qu’elle a dit et parce que son rire est communicatif, toutes et tous se mettent à rire. Un rire qui se propage bientôt dans tout l’immeuble.
    La fête dure tard dans la nuit.
     
    La matinée est bien entamée quand Claire se réveille. Le schnauzer qui a atteint sa taille adulte dort au pied du lit. Il s’appelle Kitz et il a été décidé que sa garde revenait à Claire et Mistou. Soudain la porte s’ouvre, Plumette entre sans s’annoncer. Elle est très pâle.
    — Habille-toi vite, Wia et Léon sont là et t’attendent. C’est urgent.
    Claire enfile à toute vitesse la robe de chambre en lainage qu’elle a rapportée de Paris et la suit jusqu’au palier. Elle a tout juste le temps de voir qu’ils sont livides, les larmes qui coulent sur les joues pas rasées de Wia.
    — Je suis renvoyé de l’armée, dit-il d’une voix à peine audible.

 
    Lettre de

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