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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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je sers depuis tellement d’années que mes deux mains ne suffisent plus à les compter, reçut une missive des plus insolites. Elle lui avait été envoyée par un certain prêtre Jean. Ce dernier apprenait à Sa Sainteté que les origines de la peste qui sévissait à Rome depuis le début de l’an 1166 de l’incarnation de Notre-Seigneur, étaient à rechercher du côté de Constantinople…
    Et plus particulièrement du côté du palais des Blachernes, où réside le basileus, Manuel Comnène.
    Je suppose que vous savez comme moi que le château Saint-Ange, où il arrive parfois à Sa Sainteté de séjourner, tire son nom du fait qu’en l’an de grâce 590 un ange est venu y annoncer la fin de la grande peste bubonique qui sévissait alors à Rome. Ce château, indemne de tous maux depuis presque six cents ans, et que nous pensions protégé par les saints et les anges du Seigneur, fut le théâtre d’une effrayante résurgence de ce gravissima lues, la peste !
    Le château Saint-Ange tombé, ce fut bientôt Rome tout entière qui succomba à ce fléau que le Tibre, infesté de serpents, s’amusait à promener dans les moindres recoins de la ville.
    Sa Sainteté pensa d’abord que la maladie était à mettre au compte des agissements de ce pervers de Barberousse, qui ne cessait depuis tellement d’années de nommer antipape sur antipape, et dont l’unique souci était de contester notre pouvoir. Sentiment dissipé par le fait que les troupes impériales dépêchées par Barberousse à Rome après la fuite la retraite de Sa Sainteté à Bénévent, furent elles aussi victimes de cette ignominie…
    Mais alors, si ce n’était pas l’empereur Frédéric I er , qui cela pouvait-il être ?
    La réponse, ainsi que je l’ai dit plus haut, nous parvint sous la forme de cette lettre, dénonçant les agissements du basileus des Grecs, et nous enjoignant d’envoyer auprès du prêtre Jean un ambassadeur afin de forger une alliance et de trouver un remède à nos souffrances.
    Comme après enquête nous apprîmes que les frontières du royaume de ce prêtre étaient gardées par des dragons et autres bêtes de ce genre, responsables (notamment) de la peste, il fut décidé d’y envoyer en tant qu’ambassadeur extraordinaire un médecin. Et même le meilleur d’entre eux.
    C’est-à-dire moi, votre humble serviteur, Philippe.
    Sa Sainteté dicta sur-le-champ une lettre ut unirentur, afin de proposer au prêtre Jean de reconnaître son autorité et de s’allier à elle.
    Puis, voyageant à bord de plusieurs chariots équipés de tout l’attirail nécessaire pour contenir, autant que faire se pouvait, les émanations méphitiques des dragons, et forts d’une escorte d’une trentaine de draconoctes – ces soldats, hérités de l’Empire romain, spécialisés dans la chasse aux dragons –, nous prîmes la mer, en direction de Tyr. Puis, de là, fîmes route vers les monts Caspiens.
    Il n’était pas question, en effet, de traverser les terres des Grecs. Mais au contraire de les contourner – notre but étant de contracter une alliance avec leur ennemi, cet étonnant héritier du Christ et de saint Thomas : le prêtre Jean. Et de recevoir de lui le remède à la peste bubonique mentionné dans sa lettre.
    L ’ ascension de ces satanés monts Caspiens fut de loin la plus éprouvante des ascensions qu’il me fut donné de vivre ; même s’il me faut honnêtement reconnaître que ce fut également la première. Mon escorte eut fort à faire avec des bandes de brigands arméniens défendant l’accès à leurs montagnes comme des pères la virginité de leurs filles. Et moi, je me sentais tel l’apôtre Philippe, parti chasser les dragons de Scythie et prêcher la bonne parole aux nécessiteux.
    Après plusieurs jours de voyage, quelle ne fut pas notre surprise de tomber sur un vieux bonhomme escaladant tout seul – et sans rien du lourd attirail des montagnards – l’un des plus hauts sommets des monts Caspiens. Ce vieillard, auquel j’aurais donné nonante années, portait la robe de bure et la tonsure des moines, ainsi qu’une paire de bottes d’excellente facture, qui lui remontaient par-dessus les genoux.
    Ordonnant à notre chariot d’accélérer autant que la pente caillouteuse le permettait, je hélai ce vieillard en français :
    — Holà, bonhomme, qui es-tu, et que fais-tu dans ces parages ?
    Le vieil homme se retourna, nous adressa un large sourire et nous répondit dans un

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