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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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il glanait des renseignements. Le chef des eunuques avait mal au cœur. On avait dû le remplacer. Les Abds – ces esclaves noirs formant le gros des troupes du calife – se plaignaient de l’absence de soin avec lequel les forgerons du palais entretenaient leurs armes. D’importantes quantités de vin avaient dû être livrées de toute urgence, signe que des invités de marque – étrangers, qui plus est – venaient visiter le calife. Des Vénitiens ? Des Pisans ? Difficile à dire, mais certainement des marchands de métaux – car quelques jours après ces livraisons de vin, les armureries de la ville redoublaient d’activité, noircissant de fumée les cieux habituellement limpides du Caire.
    Quand le chagrin ou la mélancolie le gagnaient, Morgennes allait trouver son nouvel ami, Azyme. Ensemble, ils parlaient de tout et de rien. Mais leur sujet de conversation favori, c’était les ophites et cette mystérieuse femme qui n’existait pas.
    À quoi ressemblait-elle ?
    — Personne ne le sait, répondait Azyme. Je ne suis pas sûr que les ophites le sachent eux-mêmes, car ils n’ont pas le droit d’aller la visiter…
    — Pourtant, disait Morgennes, je croyais que c’étaient eux qui en avaient la garde.
    — La garde, oui. Mais pas la propriété.
    Azyme s’interrompit un instant, pendant que sa femme – au visage voilé pour qu’aucun homme ne la vît – leur servait le thé, tandis qu’au-dehors résonnaient cymbales et tambourins. Quand sa femme se fut éloignée, Azyme reprit :
    — Les ophites sont comme ces juifs auxquels on confie ses biens en échange d’un prêt. Ils veillent sur les coffrets, mais n’ont pas le droit de les ouvrir. Enfin, n’oublie pas que – plus que les ophites – c’est un dragon qui la retient prisonnière. On prétend que les ophites ont bâti un labyrinthe, où rôde un puissant dragon. Malheur à qui s’en approcherait !
    — Il n’y a plus de dragons, dit Morgennes. Que sait-on d’autre au sujet de cette femme ?
    — Elle est arrivée alors qu’elle n’était qu’un nourrisson. Quel âge avait-elle ? Dans les six mois, à peine. Tu comprends, physiquement, elle était blanche comme sa mère, mais semblait posséder le caractère impétueux de son père – le fameux général Chirkouh, favori de Nur al-Din. La garder à Damas, c’était provoquer les Francs – les inciter à prendre une nouvelle fois les armes. Alors que la garder ici, dans cette ville musulmane, mais chiite, et où des chrétiens, coptes et ophites, ont le droit de cité, c’était ce qu’en politique on appelle « un juste compromis ». Un accord secret, signé par Louis VII, Aliénor, Nur al-Din et Chirkouh, stipule que cette jeune fille n’aura pas le droit de revendiquer son héritage tant qu’elle n’aura pas choisi de religion.
    — Comment sais-tu tout cela ? demanda Morgennes.
    — Nous, les coptes, avons la mainmise sur toute la paperasserie du Caire, et nous connaissons presque tous les secrets de cette ville.
    — Presque ?
    — Oui, il en est un qui nous échappe encore et qui, en plus de la vengeance, était la cause de ma présence au temple d’Apopis, le soir de notre rencontre.
    Morgennes s’approcha d’Azyme, comme si se trouver juste à côté de lui pouvait lui permettre d’en percevoir les pensées. Dehors, les bruits de cymbales et de tambourins se rapprochaient, et des voix se mêlaient aux sons des instruments.
    — Il y a un mariage ? demanda Morgennes.
    — Non. C’est une de nos fêtes. Aujourd’hui, nous célébrons la venue en Égypte de Joseph et de Marie. D’ailleurs, cela me rappelle…
    Azyme se leva et marcha vers une table où se trouvait un encensoir. Prenant une pleine poignée d’encens dans un sac posé juste à côté, il en remplit l’encensoir, qui se mit à fumer de plus belle.
    — Où cette femme est-elle gardée ? demanda Morgennes.
    Azyme referma l’encensoir et revint s’asseoir auprès de Morgennes.
    — Dans un lieu qu’on appelle le Coffre. Quant à savoir où il se trouve exactement, nous l’ignorons…
    — Vous n’en avez pas la moindre idée ?
    — À mon avis, c’est quelque part dans la vieille cité. C’est-à-dire par ici, à Fostat.
    — Mais je croyais que vous, les coptes, étiez les maîtres de cette partie de la ville ?
    — Morgennes, nous y avons ce monastère et une église, un peu au sud de l’aqueduc, mais c’est tout. Ce qu’on a dû te dire, c’est

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