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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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en briques de boue séchée, dont les fumées colportaient une puanteur insupportable. J’eus une pensée pour mes rôtissantes cousines, et leur souhaitai un bon voyage au paradis des volailles.
    S’il existait, ce que j’ignorais.
    Pour ma part, j’étais bien trop cultivé pour croire en de telles fariboles, même si je reconnaissais que c’était commode. Allons, encore quelques petits battements d’ailes, franchir la cime de cette ligne de palmiers – dont les frémissements annonçaient que la nuit serait fraîche –, me poser sur le rebord de cette jolie fenêtre, et je me retrouvai enfin auprès d’elle.
    Ma belle était superbe, encore plus rayonnante que dans ma mémoire. Même si j’étais bien obligé de reconnaître que le manque d’exercice, et probablement un peu trop de nourriture, avaient contribué à l’engraisser. Mais ses rondeurs étaient, ma foi, fort attrayantes… Mais pourquoi ne bougeait-elle pas ? Eh oh, chérie !
    — Oh, mais, mon Dieu ! On dirait qu’elle couve !
    Une main s’empara de moi. C’était la routine, cependant je me débattis comme un beau diable. Ma belle ! Laissez-moi la retrouver ! Posez-moi auprès d’elle ! Rien à faire. Les êtres humains étaient les plus forts, et ils restaient sourds à mes cris. Une main me délivra de mon message, puis m’aplatit la tête pour y laisser tomber une parodie de caresse… Mais non, ce n’était point une caresse, même pas en parodie. Elle me soupesait et me tâtait. À qui appartenait-elle, cette affreuse main brunie par le soleil et couverte de poils gris ? Je distinguai deux soldats, de blanc vêtus, avec une croix rouge sur la poitrine. Des Templiers.
    Le premier s’adressa à l’autre :
    — Ce pigeon me paraît bien nerveux…
    Et l’autre lui répondit :
    — Beau doux frère Galet, ce n’est pas grave. Nous n’aurons qu’à en faire notre dîner ! Quant à le remplacer, ce couple de pigeons s’en est déjà occupé !

43.
    « Il ne se reposera jamais avant de l’avoir retrouvée. »
    ( CHRÉTIEN DE TROYES ,
Yvain ou le Chevalier au Lion. )
    Morgennes avait établi ses quartiers dans une tour du vieux Caire appelée la « Tour du lépreux ». C’était en fait un minaret abandonné, car menaçant de s’effondrer. Régulièrement, la tour perdait deux ou trois pierres, qui s’écrasaient avec fracas sur la chaussée – dont les habitants de Fostat évitaient désormais de battre la poussière. C’était un endroit rêvé pour qui cherchait à ne pas être dérangé ; un endroit rêvé pour une Ombre.
    Quelques corbeaux à l’air trouble de conspirateurs, d’allègres demoiselles chauves-souris, un vieux hibou blanchi par les ans, formaient le gros des locataires – le reste étant seulement composé de Morgennes. La nuit, il partait se percher au sommet de la tour. Là, sous une lune en plâtre, il repensait à tout ce qu’il avait laissé derrière lui.
    Galline et moi lui manquions beaucoup. Pour supporter notre absence, il passait énormément de temps à se remémorer les mois que nous avions passés ensemble. Idem pour sa sœur et ses parents, qui surgissaient devant lui toutes les fois qu’il fermait les yeux – aussi réels qu’autrefois. Tant et si bien que Morgennes se demandait souvent qui d’eux ou de lui était mort. Mais ni le hibou à plumes blanches, malgré son air de vieux sage, ni les noirs corbeaux, ni les demoiselles chauves-souris n’avaient de réponse à lui apporter.
    Alors, il redescendait enfiler un burnous et sortait se promener dans la ville. Là, il essayait en vain de se perdre dans le dédale des rues – où mêmes les natifs avaient du mal à se repérer. Mais Morgennes se souvenait de la plus petite venelle, de la plus anodine façade, de chacune des lézardes des murs – et se perdre lui était impossible.
    Il fermait les yeux et se mettait à rêver – pour se retrouver immanquablement dans une immense forêt aux troncs pourris, comme rongés par les eaux. Quelle était cette forêt ? Celle de son enfance, revisitée par son esprit. Car jamais il ne l’avait vue ainsi, transformée en marécage.
    Rouvrant les yeux pour chasser cette image, il reprenait son chemin, descendait quelques marches dont il connaissait très exactement le nombre, et repartait vers le palais califal, auprès duquel il aimait rôder. Des nuages de rumeurs y flottaient. Et entre deux marchandages, deux corbeilles de fruits ou deux sacs de blé échangés,

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