Morgennes
Morgennes.
— C’est le chevalier dont je t’ai parlé. Le compagnon de Pixel. Tu le connais ?
— Et comment, dit Morgennes en vacillant. C’est mon père !
Sous le coup de l’émotion, il tourna de l’œil et s’effondra.
Morgennes se réveilla dans la chambre d’Azyme, au monastère de Saint-Georges. Le vieux copte l’y avait fait conduire, peu après son évanouissement.
— Reste tranquille, murmura Azyme. Bois.
Il lui tendit une coupe, que Morgennes vida d’un seul trait. Azyme la lui remplit à nouveau, à l’aide d’une cruche qu’il s’était fait porter. Morgennes, quant à lui, se sentait tenaillé par une soif inextinguible.
— Encore ! clama-t-il.
— Tiens, lui dit Azyme en lui donnant la cruche à boire. De la bonne eau du Nil…
— Mon père, fit Morgennes.
— Oui ? répondit Azyme.
— Non, dit Morgennes. Pas toi. Je parlais de mon vrai père. Était-ce vraiment lui ? On aurait dit qu’il était vivant ! Quel portrait saisissant.
— N’est-ce pas ? Je te l’ai dit, Pixel était le meilleur.
— Des brigands l’ont assassiné ? En 1144 ?
— Absolument.
— Moins de deux ans séparent la mort de mon père de celle de Pixel. Se peut-il qu’ils aient été tués par les mêmes personnes ?
Morgennes ferma les yeux et se massa les tempes. Il devait rassembler ses idées. Galet le Chauve et Dodin le Sauvage en savaient certainement long sur cet événement. Un soir, il n’y avait pas si longtemps, Morgennes avait entendu les deux vieux Templiers évoquer en riant le jour où Sagremor l’insoumis avait tiré une flèche sur un jeune garçon qui venait de traverser un fleuve dont la surface avait pris en glace. Ce garçon, Morgennes le savait, c’était lui. Et contrairement à ce que les chevaliers avaient cru, il n’était pas mort…
C’est alors, tandis que Morgennes cherchait au fond de lui des larmes qui ne venaient pas, que la porte de la chambre s’ouvrit. Morgennes et Azyme tournèrent la tête, mais ne virent personne – lorsque tout à coup une petite boule de poils, vêtue d’un caraco orange, sauta sur la paillasse où Morgennes était allongé et se jeta à son cou.
— Frontin ! Veux-tu laisser Morgennes tranquille ! s’exclama Azyme.
— Frontin ? Le singe de Gargano ? fit Morgennes en riant. Que fait-il ici ?
— Tu connais donc Gargano ? s’étonna Azyme.
Les deux hommes se sautèrent au cou, et ils eurent besoin d’une bonne partie de la nuit pour faire le tour de tous les sujets qu’ils avaient à aborder. Morgennes raconta de quelle façon il avait rencontré Gargano et la Compagnie du Dragon blanc ; Azyme, de son côté, parla du peu dont il se souvenait de Pixel et du père de Morgennes, ainsi que de Gargano, Nicéphore et Philomène.
— Cette dernière avait d’ailleurs un comportement des plus étranges. Elle semblait perturbée, hantée par un démon…
— C’était la Maître des Secrets du Dragon blanc, toujours à la recherche de savoirs interdits…
— Une femme avide de connaissance. On aurait dit qu’elle n’en avait jamais assez.
— Qu’est-elle devenue ?
— Elle a préféré rester au Caire, en compagnie du fils du vizir. Elle a donc quitté la Compagnie du Dragon blanc, qui a poursuivi sa route vers le sud, en direction de territoires n’apparaissant sur aucune carte. C’est pourquoi Gargano m’a confié Frontin. Pour qu’il soit en sécurité.
— En sécurité ? Mais qui mieux que ce géant peut veiller sur Frontin ?
— Moi, car j’adore les singes. C’est ici leur paradis ! Demain matin, je t’emmènerai dans les jardins du monastère, pour te montrer de quelle manière nous accueillons ces facétieuses bestioles.
— Demain matin ? Mais je dois partir tout de suite ! J’ai une princesse à secourir !
— Tu dois d’abord te reposer, fit Azyme en tapotant la main de Morgennes. Cette princesse attend depuis des années, je ne crois pas qu’elle soit à un jour près…
— Au contraire ! Raison de plus pour ne pas la faire attendre !
Morgennes se releva, mais la tête lui tourna de nouveau, et il fut obligé de se rallonger.
— Dieu veut que tu te reposes. S’il y a vraiment un dragon dans ce labyrinthe, il vaut mieux que tu y ailles en pleine forme.
— De toute façon, il semblerait que je n’ai pas le choix.
Et il retomba, les yeux fermés, sur la couche d’Azyme.
Le lendemain matin, Azyme lui montra les nombreuses sortes
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