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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
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sauvage, seigneur, celui qui a dansé au
banquet de mariage de dame Cecilia. Engagé par Niccolo, le festaiuolo, il
a aussi reçu de l’argent d’un des hommes du seigneur Paolo pour renverser la coupe
de vin.
    — Ainsi il travaillait pour mon frère, n’est-ce pas ?
    Devant le ton menaçant du duc, Sigismondo se hâta d’intervenir :
    — Il l’ignorait, seigneur. On lui a fait croire à une plaisanterie
et quand il a protesté en disant que la duchesse serait furieuse de voir sa
robe tachée, on lui a assuré qu’elle était partie prenante de cette mise en scène.
    — D’où venait la peau que portait Bandini ? Ça ne
pouvait pas être la même.
    —  Le festaiuolo en avait plusieurs en réserve. Il
m’a dit qu’il ne pouvait pas toujours éviter de s’en faire voler une, et aussi
que les hommes du seigneur Paolo l’avaient beaucoup assisté dans l’organisation
du spectacle…
    Angelo, que Sigismondo avait aidé à s’extraire de sa peau, apparut
vêtu de bleu et, dans cette salle tendue de tapisseries sombres et drapée de
noir, ressemblait plus que jamais à quelque créature céleste. Le cardinal s’adressa
à lui.
    — Raconte-nous ce qui s’est passé ce soir-là.
    La lumière lui faisant un halo autour des cheveux, Angelo
raconta de manière succincte comment il avait dansé et, après avoir renversé le
vin, comment on l’avait chassé, dans quelles conditions il avait changé de
tenue et reçu son argent, et vu enfin celui qui venait de le payer brûler la
peau d’ours et le suivre hors du palais.
    — J’ai essayé de le semer, il me suivait toujours. J’ai
couru, mais il était plus rapide que moi. Je ne connais pas cette ville. Il m’a
rattrapé, s’est jeté sur moi et m’a fait tomber, alors j’ai été obligé de me
battre et je l’ai tué.
    Pas le moindre tressaillement sur le visage de Sigismondo n’indiqua
que ça n’était pas l’histoire qu’il avait entendue, qu’en réalité Angelo, se
sachant suivi, s’était caché pour attendre son poursuivant et l’avait poignardé
sans plus de cérémonie. Des enjolivures de cette sorte rendaient l’incident
plus pardonnable aux yeux de la justice des hommes.
    — Comment pouvons-nous être sûrs que cet individu était
un homme de Paolo ?
    — Je ne pourrais vous le dire, répondit l’ange avec humilité.
Il ne portait ni insigne ni livrée ; tout ce que je sais, c’est que
pendant notre lutte, une chaîne s’est détachée de son cou. Quelqu’un la
reconnaîtra peut-être.
    Il tira de sa poche et déposa sur la table une mince chaîne
à double torsade argent et or, brisée, avec, en pendentif, un curieux memento mori représentant un petit crâne d’ivoire aux yeux de rubis
profondément enfoncés.
    — L’un des plus proches adjoints de mon frère porte une
chaîne semblable, dit le duc d’une voix dépourvue d’émotion. Giannini, Giacomino,
quelque chose comme ça. Tous ont été arrêtés. Nous verrons si celui-là manque à
l’appel. Ainsi, vous avez trouvé le danseur, conclut-il.
    — Seigneurs, désirez-vous lui poser d’autres questions ?
demanda Sigismondo.
    Comme aucun ne faisait mine de vouloir parler, le duc, d’un
geste, congédia le témoin. Angelo les priva donc de sa céleste présence. Le
petit crâne reposait sur le tapis de table à côté du crucifix du cardinal.
    — Nous avons, seigneurs, un homme, ce Giannini, qui ne
peut parler puisqu’il est mort. Un autre, dont le récit serait nécessaire en
cet instant crucial, est également mort. Il est possible toutefois que le duc
ait la possibilité de le ressusciter.
    — Prenez garde, mon fils, intervint le cardinal d’une voix
onctueuse.
    — S’il était vivant, seigneurs, ce témoin serait un homme
mort.
    Le duc fronça les sourcils, mais un rapide regard à Sigismondo
lui montra un visage tout empreint de sérieux et de respect. Ce jeu sur les
mots n’était sûrement pas une simple plaisanterie sur un sujet aussi grave.
    — Il serait pendu pour vol, et son témoignage est tel que,
s’il vivait, il tremblerait pour sa vie en le livrant.
    — Cet homme doublement mort peut donc être ressuscité ?
s’enquit le duc Ippolyto.
    — Je sais que, s’il était vivant, il demanderait le pardon
pour son vol et un dédommagement pour ce qu’il pourrait être amené à dévoiler.
    Malgré le poids du chagrin qui l’étourdissait à moitié, le
duc n’avait pas perdu sa vivacité d’esprit. Il enveloppa

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