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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
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périphérie
de la place, le cri de «  Duca ! » couvrit bientôt tous
les autres. Sigismondo leva les bras ; bien que le visage mort de Paolo
lui fît face, dégoulinant de sang paresseux, la foule obéit et les cris
cédèrent peu à peu la place à un silence attentif.
    — Un traître à son duc ; il a accusé à tort son
propre frère ; il distribuait les aumônes du duc en son nom propre afin de
corrompre vos cœurs ; il a semé la haine parmi vous ; il a forcé des
hommes puissants à se vendre en enlevant leurs enfants ; ce traître a fini
par tirer l’épée contre le duc, son frère, et il était prêt à le tuer. Que
telle soit la fin promise aux traîtres !
    Un rugissement assourdissant lui répondit tandis que le nom
du duc était hurlé par toutes les bouches. Si certains entretenaient quelques
doutes sur les événements, ils eurent la prudence de les garder par-devers eux.
    Parmi ceux qui ne criaient pas se trouvait un homme dont le
fils, juché sur ses épaules pour avoir une meilleure vue, avait vomi sur son
crâne en voyant la tête décapitée de Paolo. Tandis que bonnets et chapeaux étaient
lancés en l’air au milieu des acclamations, tous se tournèrent en direction de
leur seigneur debout au balcon de la cathédrale. Pendant quatre longues minutes,
le duc assista à cette manifestation de confiance. Puis il se retira.
    Vêtu d’une robe sable et lie-de-vin, silencieux, le duc était
assis au centre de la table du conseil, le visage pâle et hagard se découpant
sur son col relevé, sur les sculptures de la chaire ducale et, au-delà, sur la
sombre tapisserie où se déroulait un autre jugement. Pâris, appuyé avec
nonchalance à un tronc d’arbre, offrait la pomme d’or à Vénus, qui tournait
pudiquement son dos voluptueux à la salle du conseil, tandis que Minerve et Junon
ramassaient leurs robes d’un air froissé. Debout face à la table, Sigismondo, dont
les vêtements noirs se confondaient avec les recoins d’ombre, devait se dire que
le thème de la tapisserie  – l’exercice du pouvoir grâce à la subornation
et à la corruption  – n’était pas sans rapport avec ce que le tribunal
allait devoir tirer au clair ce jour-là.
    Le cardinal, dont la robe présentait des reflets rouge sang
là où la lumière la caressait, siégeait à la droite du duc. À sa gauche le duc
Ippolyto, le visage sombre et tendu, regardait vers les hautes fenêtres en
tripotant les rubans de sa manche. Il était venu assister à une exécution et
aux funérailles de sa sœur. Pour l’instant, il avait certes assisté à une sorte
d’exécution, mais il était avant tout sur le point d’avoir à débattre de l’honneur
de sa sœur, et donc du sien.
    — Qui allons-nous entendre en premier lieu ?
    La voix du duc, rêche même en ses meilleurs jours, avait la
tonalité cassante de ses pires moments.
    — Avec votre permission, nous entendrons d’abord Cecilia,
première dame d’atour de feu madame la duchesse.
    Le duc hocha la tête, Sigismondo alla frapper à une porte et
ramena dame Cecilia qui attendait là. Elle avança, son brocart noir traînant
avec raideur derrière elle, sa chevelure dorée prise dans un filet d’argent et
de perles, et alla s’asseoir sur le tabouret tapissé installé face à la table. En
dépit de sa maîtrise du maquillage [8] , ses yeux bouffis témoignaient de son chagrin et, peut-être, de sa peur. Sigismondo
resta debout à son côté. Le duc remua sur son siège, poussa un soupir et parla
d’un ton contraint, comme si, à l’instar de son beau-frère, il n’avait qu’à
moitié envie de savoir ce qui devait être su.
    — Sigismondo, vous pouvez poser vos questions.
    Celui-ci hocha la tête et se tourna vers la jeune femme.
    — Madame la duchesse devait-elle retrouver quelqu’un
pendant le banquet ?
    — Madame n’aurait jamais fait une chose pareille.
    Sigismondo s’adressa au tribunal :
    — Il serait préférable que dame Cecilia prête serment avant
de répondre.
    Les reliques de sainte Agnès ayant été soigneusement
remisées dans la chapelle, le cardinal ôta la chaîne retenant le crucifix qu’il
portait au cou et se pencha en travers de la table pour le poser du côté de la
salle.
    — Approchez, ma fille. Nous sommes ici pour entendre la
vérité.
    Cecilia se leva, mais chancela. La prenant sous le bras, Sigismondo
l’aida à franchir les quelques pas qui la séparaient de la table. Là elle posa
la main sur le

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