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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
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crucifix et répéta le serment qu’énonça le cardinal. Le duc l’observa,
le visage impénétrable. Le serment allait contraindre dame Cecilia à dévoiler
une vérité qu’il répugnait à entendre.
    Elle alla reprendre sa place. Le miroitement aqueux des perles
sur son corselet indiquait qu’elle avait la respiration courte et hachée. Inexorable,
la question lui fut reposée :
    — Madame la duchesse devait-elle retrouver quelqu’un au
cours de votre banquet de mariage ?
    La réponse fut prononcée si bas qu’elle fut presque inaudible,
mais c’était : « Oui. »
    — Était-ce un rendez-vous amoureux ?
    — Oui.
    — Qui devait-elle retrouver ?
    — Je… elle est morte à présent, seigneurs. Est-ce vraiment
nécessaire de…
    — Répondez ! s’écria le duc d’une voix plus âpre que
jamais.
    Elle obtempéra, dans un souffle :
    — Le seigneur Paolo.
    Le duc détourna la tête et s’absorba dans la contemplation
des motifs du tapis recouvrant la table. Il parut rentrer encore plus
profondément en lui-même. Il avait appris de Sigismondo qu’il y avait eu un
amant, à présent il comprenait que la trahison était plus grave encore.
    — Était-ce la première fois ? demanda brusquement
le duc Ippolyto. S’étaient-ils déjà retrouvés de cette manière ?
    — Elle… je… Votre Seigneurie sait que j’étais son amie,
sa meilleure amie depuis notre enfance à la cour de votre père…
    — Avait-elle déjà des amants à cette époque ?
    — Non ! Non, Sa Seigneurie a pu constater qu’elle
est arrivée vierge à son mariage. Je voulais dire… je voulais dire que je l’aimais.
    — Moi aussi, mais pour l’amour du ciel, allez-vous répondre
à la question ?
    — Ça n’était pas la première fois qu’ils se voyaient.
    — Yen avait-il eu d’autres ?
    Dame Cecilia serra les lèvres et secoua la tête. Cela pouvait
signifier qu’il n’y avait pas eu d’autres amants, ou qu’elle se refusait à
répondre. D’une voix douce et presque nonchalante, Sigismondo posa alors une
nouvelle question :
    — Avec la permission de Votre Seigneurie… Leandro
Bandini en était-il ?
    — Jamais ! Ce jeunot ? À   peine sorti de l’enfance !
    Après un court silence, elle porta la main à sa bouche, réalisant
ce qu’elle venait d’impliquer.
    — Assez !
    Le duc tenait son poing serré sur la table. Il en avait scruté
un long moment le tapis, comme s’il espérait discerner une signification à son
motif, mais il dévisageait à présent dame Cecilia d’un air morne.
    — Femme, veillez à ce que je ne vous revoie jamais.
    Sigismondo la raccompagna. Elle marcha comme une somnambule,
et lorsqu’ils atteignirent la porte il dut l’aider à la franchir. Une fois qu’il
l’eut refermée, le duc demanda :
    — Est-il nécessaire d’en entendre plus ?
    — Cousin, rétorqua le duc Ippolyto, la vérité peut être
amère, mais elle doit être exposée au grand jour.
    — Saurons-nous jamais si nous la tenons ? Toute ma
vie, j’ai cru que mon frère était la vérité incarnée.
    Le duc retomba dans le silence et caressa de la main la
peluche du tapis de table.
    Sigismondo avança, ses talons sonnant sur le marbre.
    — Votre Seigneurie, dame Cecilia a parlé d’un rendez-vous
arrangé. L’Homme sauvage devait salir sa robe en la tachant de vin, de façon
que madame la duchesse ait un prétexte pour se retirer.
    Le duc releva la tête.
    — Leandro Bandini était stipendié par mon frère ! Depuis
le début, il savait qu’il serait libéré et qu’on chercherait à m’imputer le
crime. Où se cache-t-il ? Je bannirai de Rocca tous les Bandini.
    — Seigneur, j’ai fait venir ici l’Homme sauvage, dit Sigismondo.
    Sur quoi il ouvrit la porte.
    Le duc se redressa et le cardinal tendit même la main vers
son crucifix lorsque, découpée par la lumière venant de l’antichambre, se
dessina dans l’embrasure une silhouette hirsute sombre comme le diable en personne.
Elle s’avança jusque devant le tribunal et, sur un mot de Sigismondo, sépara sa
tête de son corps d’un geste aussi preste que celui du bourreau. De longs cheveux
dorés brillèrent dans le soleil de fin d’après-midi, entourant un visage que
Piero della Francesca aurait aimé peindre. Ainsi le diable était un ange
costumé.
    Sans en avoir conscience, les trois hommes qui l’observaient
étaient déjà prêts à croire ce messager du ciel.
    — Voici l’Homme

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