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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
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Sigismondo d’un
insondable regard bleu.
    — Pardonner un vol n’est pas une grosse affaire, mais s’il
connaît la vérité et tremble de la dire, contre qui parlera-t-il ? Contre
notre personne ? Mon innocence a été mise en cause. Seule la vérité peut
laver ces soupçons. Pourquoi cet homme tremblerait-il ?
    — Parce qu’il parle contre les morts, seigneur.
    — Chacun de nous ici sait désormais que ma sœur était
adultère, déclara le duc Ippolyto au bout d’un moment. Ce témoin aurait du mal
à la diffamer davantage.
    — En creusant la boue, nous parviendrons jusqu’à l’eau
claire, énonça le cardinal.
    — Prêtons l’oreille à votre mort, Sigismondo. La vérité
vaut bien un pardon. Si je ne lui promets pas la vie sauve, que se passera-t-il ?
    — Dans ce cas, seigneur, il est condamné, répondit Sigismondo
en s’inclinant avant d’écarter les bras en ajoutant : Il ne pourra pas
vivre.
    — Lors des guerres en Allemagne, vous m’avez sauvé la
vie, dit le duc, et aujourd’hui vous m’avez bien servi ; sans cela, soyez
certain que vous ne pourriez marchander ainsi avec moi. Il aura la vie sauve. Faites-le
entrer.
    Sigismondo s’inclina une nouvelle fois, non pas d’une
courbette de courtisan, mais d’un fléchissement du dos qui prenait acte d’une
concession difficilement arrachée. Il alla à la porte et disparut.
    — La nouvelle consécration de la cathédrale ne pourra
intervenir avant quelques jours, déclara alors le cardinal. Je suggère que les
obsèques de feu la duchesse se déroulent dans la chapelle du palais.
    — Si cela convient au frère de Madame.
    — Dieu fait bien les choses, soupira Ippolyto. Au vu des
circonstances, des pompes moins solennelles s’accorderont mieux avec mon état d’esprit.
    La porte s’ouvrit, les rideaux s’écartèrent. Sigismondo s’effaça
pour laisser entrer un nain hésitant et dévoré d’anxiété.
    Après le diable, le mort.

 
CHAPITRE XXIII
« L’habit ne fait décidément pas le moine »
    Poggio transpirait à grosses gouttes sous la barbe qu’il
avait commencé à se laisser pousser pour modifier l’aspect de son visage, et l’ensemble
de ses traits, des yeux ronds jusqu’à cette bouche que mère Nature avait conçue
pour être recourbée joyeusement vers le haut, paraissaient étirés par la peur. Il
tenait ses mains serrées devant lui, doigts entremêlés.
    Le duc le considéra un long moment en silence avant de s’adresser
à lui.
    — Nous te pardonnons le vol que tu as commis, Poggio, dit-il
avant d’ajouter d’un ton tranchant : Maintenant, à toi de le mériter.
    — Dis à Sa Seigneurie dans quelles circonstances tu as
entendu ce qui s’est passé dans la chambre de la duchesse, le soir de sa mort.
    Nouant et dénouant ses doigts, Poggio raconta. Il expliqua
pourquoi il devait demander une faveur à la duchesse, et comment il s’était
dissimulé dans l’alcôve en attendant que les suivantes s’en aillent. Il fut
plongé dans le plus profond embarras quand il s’agit, avec tout le tact
nécessaire, de rapporter ce qu’il avait entendu, mais les questions de
Sigismondo, précises et évitant toute emphase, firent émerger la vérité : Poggio
était sur le point de dévoiler sa présence et de s’adresser à la duchesse
lorsqu’il l’avait entendue accueillir quelqu’un. Le nouveau venu parlait à voix
basse, mais c’était un homme. Poggio, craignant de faire du bruit en refermant
la porte dérobée, avait donc, à son corps défendant, tout entendu. Ils avaient
fait l’amour. Bien qu’il s’efforçât de ne pas écouter, il avait entendu deux voix,
ou, du moins, deux… Il buta quelque peu sur cette précision et Sigismondo l’aida
en lui proposant la tournure : « les bruits de deux personnes »
– oui, c’était cela, les bruits de deux personnes, jusqu’à ce que l’une d’elles
émette une sorte de cri, un cri étrange et bref ; ensuite, ce fut le
silence. Au bout d’un moment, quelqu’un, respirant fort, avait foulé les nattes
étendues par terre. Oui, Poggio avait ensuite perçu d’autres bruits. Beaucoup
plus à l’aise pour raconter cette partie-là, il dit qu’il avait entendu tirer des
rideaux, puis une brève mêlée, et le son produit par quelque chose jeté ou
tombant sur le lit. Puis à nouveau les rideaux ; enfin, plus rien.
    Poggio avait laissé se prolonger le silence, rendu plus
profond encore par les craquements des feux

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