Mort d'une duchesse
rayons du soleil
couchant.
— Sigismondo, vous avez promis de me dévoiler vos
derniers secrets. À qui dois-je mon duché ?
— À des mercenaires, mon seigneur, comme tant d’autres
souverains.
— À ces hommes répartis autour de la place, ceux qui
criaient « Duca » et ont entraîné la foule avec eux ?
— Ceux-là mêmes. Avec votre maréchal, ils contrôlent à
présent la situation. Les citoyens stipendiés par le seigneur Paolo n’osent
plus élever la voix.
— Les mercenaires n’agissent pas sur des promesses. Ils
ont été payés. Qui les a payés ?
Le duc tendit la main et la referma sur la manche de velours
noir. Le visage qui lui faisait face était étrangement rassurant, avec son nez
busqué, ses sombres et intenses yeux aux cils épais, sa bouche avec la lèvre supérieure
au sensuel renflement et l’autre plus réservée, une bouche à secrets, une
bouche qui à présent souriait d’un air secrètement amusé.
— Bandini, seigneur. C’est Ugo Bandini qui a payé les
mercenaires.
Le duc, tout disposé désormais à croire Sigismondo, pencha
le buste en arrière et plongea son regard dans celui de son interlocuteur.
— Bandini. Alors que j’étais sur le point de
faire exécuter son fils ? Par la barbe du diable, pour quelle raison ?
— La loyauté, Votre Seigneurie. Le duc Francisco l’avait
contacté pour lui faire régler la solde de ces mêmes mercenaires qu’il comptait
utiliser contre vous.
En échange, après avoir pris la ville, Francisco aurait libéré
son fils ; au lieu de cela, Bandini les a payés pour qu’ils crient « Duca
Ludovico ». S’ils avaient crié « Duca Paolo », selon
les instructions qui leur avaient été données à l’origine…
Sigismondo se tut et fredonna, laissant le duc apprécier ce
qui se serait passé.
— Je serais mort. Et même si Paolo avait lui aussi été
tué, la ville serait aux mains de Francisco. Je dois donc ma vie à Bandini.
Saisissant sa lèvre inférieure entre pouce et index, il se
plongea un moment dans ses réflexions, puis tendit un doigt et l’enfonça dans
la large poitrine de Sigismondo.
— Vous. Vous en savez plus que ce que vous me dites. Comment
ce garçon s’est-il évadé de mes prisons ? Il me paraît que cette
délivrance n’a précédé que de quelques heures le geste de loyauté de son père.
N’est-ce pas également votre impression ?
Tapotant la poitrine de Sigismondo du bout du doigt, il se
mit à rire.
— Impossible de tromper Votre Seigneurie.
— Et où est le garçon ? L’innocent garçon ? Allez-vous
me le dire, gredin ?
— Eh bien, mon seigneur, son père et lui seront parmi
les premiers à vous féliciter.
Le rire du duc se fit presque hystérique.
— Je leur ai interdit l’entrée du palais, j’ai failli exécuter
le fils et aujourd’hui je suis à la veille de les embrasser comme mes sauveurs !
La vie me réserve-t-elle d’autres surprises avant la fin du jour ? L’habit
ne fait décidément pas le moine. Vous allez bientôt me dire que Di Torre marche main dans la main avec les Bandini pour assurer mon pouvoir sur Rocca !
CHAPITRE XXIV
« La promesse de Vénus »
C’était une question de tact. Alors qu’il avait déjà bouclé
ses bagages pour rentrer à Florence, le festaiuolo les défit et s’assit,
avec une fiasque pour l’inspiration et une liasse de notes de mise en scène
toutes froissées à portée de main, les récrivant et choisissant ses comédiens
pour un grand spectacle qui célébrerait le triomphe de la Justice et du Droit
tout en évitant de personnifier trop précisément le Mal. Il considéra avec regret,
dans leur petit panier de jonc, les dents métalliques de l’Envie, lesquelles
auraient convenu à merveille au traître décapité, mais qu’il était impossible d’utiliser.
Le danseur qui avait causé tout ce remue-ménage avait demandé à être engagé en
faisant remarquer avec justesse au festaiuolo que personne n’avait vu
son visage la dernière fois… et il était exact que l’on manquait de danseurs de
taille normale, alors qu’une pléthore de nains s’attendaient à être employés ;
et inutile de compter comme l’autre fois sur l’aide efficace des hommes du
seigneur Paolo.
Le maréchal du duc, qui s’occupait justement de ces hommes
utiles et efficaces, décela parmi eux ceux qui étaient prêts à mourir avant d’imputer
au seigneur Paolo autre chose qu’une
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