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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Serbelloni est une île de silence dans le silence.
    Le champ de bataille retentit toujours de grondements ou de cris, de hurlements ou du crépitement des balles. La tête est pleine des fureurs de la guerre. Il faut agir sans cesse. On oublie qu’il y a le vide en soi.
    Mais les nuits ici, à Milan, seule Joséphine pourrait les peupler.
    Il lui a écrit tant de fois. Elle est, dès que les explosions de mitraille cessent, dès que le silence s’installe, son obsession. On ne peut vivre seulement de haute ambition. Il faut du temps pour que l’ordre des choses change, même quand on le bouscule comme il le fait.
    Il vient de décider de payer la solde des troupes en bon et sonnant numéraire. Il a été acclamé par les soldats.
    Il vient de signer des armistices avec Parme, Modène, Bologne, Ferrare, les légations du pape, et chaque fois il a obtenu des contributions de plusieurs millions et des fournitures en nature, des tableaux, des manuscrits.
    Le Directoire a naturellement capitulé devant sa menace de démission.
    Il a encore capitulé quand Napoléon a limité les pouvoirs des Commissaires du gouvernement. « Les commissaires n’ont rien à voir dans ma politique, a-t-il dit. Je fais ce que je veux. Qu’ils se mêlent de l’administration des revenus publics, à la bonne heure, du moins pour le moment. Le reste ne les regarde pas. Je compte bien qu’ils ne resteront pas longtemps en fonction et qu’on ne m’en enverra pas d’autres. »
    Je fais ce que je veux .
    Avec les hommes, avec le Directoire, mais pas avec elle !
    Quand les paysans dans les villages ou bien les habitants de Pavie agressent les soldats, résistent aux réquisitions, « je fais ce que je veux ». La ville de Lugo, où cinq dragons ont été tués, est livrée à une exécution militaire. Des centaines de personnes sont sabrées, les habitations pillées, les habitants hostiles abattus.
    Je fais ce que je veux .
    Mais elle ? Que peut-on faire à une femme qui se dérobe, dont le silence vous tourmente, dont l’absence vous torture et dont, dans la solitude de la nuit, le souvenir vous hante ?
    Lui écrire, encore, toujours, la supplier de venir ici, à Milan. Et craindre tout d’elle.
    Le verre de son portrait s’est brisé. Présage. Elle est malade ou elle est infidèle.
    « Si tu m’aimais, tu m’écrirais deux fois par jour, mais il faut jaser avec les petits messieurs visiteurs dès dix heures du matin et puis écouter les sornettes et les sottises jusqu’à une heure après minuit. Dans les pays où il y a des moeurs, dès dix heures du soir tout le monde est chez soi, mais dans ces pays-là on écrit à son mari, l’on pense à lui, l’on vit pour lui. Adieu, Joséphine, tu es un monstre que je ne puis expliquer… »
    Mais comment se débarrasser de cette passion quand on a besoin de la passion pour vivre, et que, même si l’on gagne six batailles en quinze jours, il y a entre les combats ces nuits vides ?
    Napoléon se confie à son frère Joseph.
    — Tu connais mon amour, tu sais comme il est ardent, tu sais que je n’ai jamais aimé que Joséphine, que Joséphine est la première femme que j’adore… Adieu, mon ami, tu seras heureux. Je fus destiné par la nature à n’avoir de brillant que les apparences. »
    Alors se soumettre, reconnaître sa faiblesse, lui avouer cette servitude : « Tous les jours récapitulant mes torts, je me bats les flancs pour ne plus t’aimer, bah, voilà que je t’aime davantage… Je vais te dire mon secret ; moque-toi de moi, reste à Paris, aie des amants, que tout le monde le sache, n’écris jamais, eh bien je t’en aimerai dix fois davantage ! Si ce n’est pas là folie, fièvre, délire ? Et je ne guérirai pas de cela ! Oh si, pardieu, j’en guérirai… »
     
    Il ne sait rien, mais il soupçonne. La jalousie le dévore. On lui rapporte que Joséphine, qu’on appelle maintenant Notre-Dame des Victoires, dîne chez Barras. Que Murat et Junot, les aides de camp qu’il a envoyés à Paris pour demander à Joséphine de le rejoindre, sont devenus ses amants. Qu’elle traîne partout sa dernière conquête, son « polichinelle », le lieutenant Hippolyte Charles, un homme « amusant » aux uniformes chamarrés près du corps, qui mettent en évidence ses formes de jeune séducteur.
    Napoléon ne veut pas entendre. Il ne veut pas savoir. Mais il écrit : « Sans appétit, sans sommeil, sans intérêt pour l’amitié, pour la gloire,

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