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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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églises regorgent de tableaux dont on remplit des voitures et qu’on expédie à Paris.
    Les soldats chantent et rient, la bouche rougie par l’écume du vin. Des patriotes italiens viennent à la rencontre de Napoléon. Il écoute les cris de la foule : «  Viva Buonaparte, il liberatore dell’Italia !  »
    Saliceti, commissaire à l’armée d’Italie, Saliceti, le dénonciateur repenti, l’habile et le tortueux, favorise cette explosion nationale en faveur de l’unité italienne.
    Milan se donne.
    Cette ville, ces arcs de triomphe, en ce jour de l’Ascension 1796, ces femmes qui s’avancent les bras chargés de fleurs, ce palais Serbelloni qui ouvre ses portes, ces acclamations sont pour moi .
    Napoléon s’installe dans l’une des grandes pièces lambrissées du palais. Il vient d’apprendre qu’à Paris la paix a été signée avec le Piémont. Nice et la Savoie deviennent françaises.
    C’est lui qui a mis ce roi du Piémont à sa discrétion.
    Il écrit au Directoire : « Si vous me continuez votre confiance, l’Italie est à vous. »
    À eux ? Ou à moi ?
    Cette pensée fulgurante l’éblouit. Peut-être peut-il tout ?
    — Je vois le monde fuir sous moi, murmure-t-il, comme si j’étais emporté dans les airs.
    Il appelle Marmont.
    — Ils n’ont encore rien vu, dit-il.
    Le parquet roux, ciré, craque sous ses bottes.
    Napoléon compulse les papiers jetés en désordre sur une table de marbre. Il énumère d’une voix voilée de mépris :
    — La province de Mondovi donnera un million de contributions. Je mets à la disposition du Directoire deux millions de bijoux et d’argent en lingots, plus vingt-quatre tableaux, chefs-d’oeuvre des maîtres italiens. Et les Directeurs peuvent compter sur une dizaine de millions de plus.
    Sont-ils satisfaits ?
    Marmont tend un pli qu’un courrier vient d’apporter du Directoire. D’un geste brusque, Napoléon le décachette puis parcourt la lettre.
    Les Directeurs lui conseillent de se diriger vers l’Italie du Centre et du Sud, Florence, Rome, Naples, cependant que le général Kellermann le remplacerait à Milan et en Lombardie.
    Il s’est immobilisé au milieu de la pièce comme s’il avait reçu un coup. Il s’est plié, rentrant un instant les épaules. Ainsi, on veut le déposséder, l’éloigner, peut-être pour le perdre dans une aventure militaire et politique.
    Imagine-t-on qu’il est aveugle ?
    Il recommence à marcher.
    On n’en a jamais fini de se battre. On ne peut être libre de ses actes que lorsqu’on décide seul, qu’on est en haut.
    Croit-on qu’il va se soumettre ? C’est lui qui remplit les caisses du Directoire. Lui qui remporte des victoires alors qu’en Allemagne les armées du Rhin piétinent. « J’ai fait la campagne sans consulter personne », commence-t-il.
    Il demande à Marmont d’écrire.
    « Je n’eusse rien fait de bon s’il eût fallu me concilier avec la manière de voir d’un autre, dicte-t-il. J’ai remporté quelques avantages sur des forces supérieures et dans un dénuement absolument de tout. Parce que persuadé que votre confiance se reposait sur moi, ma marche a été aussi prompte que ma pensée… Chacun a sa manière de faire la guerre. Le général Kellermann a plus d’expérience et la fera mieux que moi ; mais tous les deux ensemble nous la ferons fort mal. Je crois qu’un mauvais général vaut mieux que deux bons. »
    Marmont bredouille d’émotion et de colère.
    Napoléon hausse les épaules. Ils céderont. Ils trembleront à l’idée de ma démission.
    — La fortune ne m’a pas souri aujourd’hui pour que je dédaigne ses faveurs, lance-t-il. Elle est femme et plus elle fait pour moi, plus j’exigerai d’elle.
    Que Marmont se rassure.
    — De nos jours, personne n’a rien conçu de grand. C’est à moi seul d’en donner l’exemple.
    Il marche vers la fenêtre, l’ouvre. Milan la Grande est là devant lui, ses pavés brillant sous la pluie fine de printemps.
    Murat entre, pérore, dit tout à coup :
    — On assure que vous êtes si ambitieux que vous voudriez vous mettre à la place de Dieu le Père.
    Napoléon ferme la fenêtre d’un mouvement brutal.
    — Dieu le Père ? Jamais, c’est un cul-de-sac !
     
    Murat et Marmont sortent.
    Il est seul.
    Il entend au loin, si loin, le roulement des voitures sur les pavés et les tintements des cloches.
    Ce creux de la nuit est un gouffre où il s’enfonce. Tout est trop calme. Le palais

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