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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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libérant Mantoue, « que nous aurons délibérément abandonnée ».
    — Lever le siège de Mantoue…, commence à objecter Sérurier.
    — Lever le siège, répète Napoléon d’une voix coupante. Et marcher.
    Il est seul. Cela épuise. S’il pouvait se confier, être rassuré, consolé, aimé. Pouvoir un seul instant tomber l’armure, ne plus être seul, quelle paix !
    Mais il est seul.
     
    « Il y a deux jours que je suis sans lettre de toi, écrit-il en s’efforçant de bien former les caractères pour que Joséphine puisse le lire sans trop d’impatience. Voilà trente fois aujourd’hui que je me suis fait cette observation. Je fais appeler le courrier, il me dit qu’il est passé chez toi et que tu lui as dit que tu n’avais rien à lui ordonner. Fi ! Méchante, laide, cruelle, tyranne, petit joli monstre ! Tu te ris de mes menaces et de mes sottises ! Ah, si je pouvais, tu sais bien, t’enfermer dans mon coeur, je t’y mettrais en prison. »
    Cette idée de retenir Joséphine, de ne plus être seul devient obsédante. S’il pouvait posséder au moins cela, une femme aimée, qui ne fuie pas, qui ne serait pas comme la victoire définitive, qui n’est jamais acquise, il lui semble qu’il serait apaisé.
    Il l’écrit.
    « J’espère que tu pourras m’accompagner à mon quartier général pour ne plus me quitter. N’es-tu pas l’âme de ma vie et le sentiment de mon coeur ? »
    Le lendemain, 22 juillet 1796, il insiste : « Tu me dis que ta santé est bonne ; je te prie en conséquence de venir à Brescia. J’envoie à l’heure même Murat pour te préparer un logement dans la ville, comme tu le désires… Porte avec toi ton argenterie et une partie des objets qui te sont nécessaires. Voyage à petites journées et pendant le frais afin de ne pas te fatiguer… Je viendrai à ta rencontre le 7, le plus loin possible. »
    Écrire à Joséphine, exprimer cette passion amoureuse, c’est ne pas être seul, c’est oublier, le temps de l’écriture, la guerre. Comme si brusquement n’existait pour lui que cette femme, cet amour. Il ouvre des lettres qui sont destinées à Joséphine, comme s’il violait une place forte. Puis il s’excuse, il s’humilie, il promet que c’est la dernière fois, et lui, qui fait plier le genou aux Autrichiens de Wurmser et aux Croates de Quasdonovitch, il sollicite le pardon : « Si je suis coupable, je te rends grâce. »
    Il se sent mieux d’avoir ainsi pour quelques minutes seulement parlé de ses sentiments, de n’avoir engagé que lui-même, comme s’il n’était en effet qu’un jeune homme qui n’a pas encore fêté, le 15 août 1796, ses vingt-sept ans.
     
    À cheval maintenant, en avant des troupes .
    Marche, combats .
    À Lonato, le 3 août, Quasdonovitch est écrasé. Wurmser, qui est entré triomphalement dans Mantoue comme prévu, en ressort pour se porter au secours de son adjoint défait.
    Il faut donc battre Wurmser.
    Napoléon passe dans les rues de Brescia reconquise. Les soldats se lavent dans les fontaines, se désaltèrent à cette eau jaillissante, claire, qui rafraîchit chaque rue. Des charrois remplis de fusils pris dans les manufactures d’armes cahotent sur les pavés de cette ville industrieuse, Brescia armata .
    Napoléon entre dans le Municipio situé sur la Piazza Vecchi. C’est là qu’il a établi son quartier général. Il entend des rires, s’immobilise. Joséphine apparaît, entourée d’officiers ; Murat se pavane ; ce jeune capitaine Hippolyte Charles tient dans ses bras le chien Fortuné. Napoléon les écarte sans ménagement. Tous s’éloignent. Elle est là, à moi, « petite épaule, petit sein blanc élastique, bien ferme, par-dessus cela une petite mine avec le mouchoir à la créole, à croquer, et cette petite forêt noire ».
    Il l’entraîne dans sa chambre avec une sorte de fureur.
    Derrière la porte fermée, des aboiements. Mais Napoléon empêche Joséphine d’aller ouvrir à Fortuné. Elle renonce.
    Plus tard, au dîner, cependant qu’elle garde son chien sur les genoux, Napoléon ne peut s’empêcher, en montrant l’animal, de chuchoter à Arnault, un écrivain proche de Joséphine, sur un ton où se mêlent amertume et gaieté : « Vous voyez bien, ce monsieur-là, c’est mon rival. Il était en possession du lit de Madame quand je l’épousai. Je voulus l’en faire sortir : prétention inutile. On me déclara qu’il fallait me résoudre à coucher

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