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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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fois encore la joie se dérobe.
    Des troupes se sont à nouveau débandées pour piller. Il faut sévir. Fusiller, dégrader. Si la poigne de fer de la discipline ne serre pas les hommes ensemble comme un faisceau, comment accepteraient-ils de marcher à la mort ?
    Il se promène dans le camp. Tout à coup, des soldats et des officiers crient : « Vive le général Bonaparte ! » Des envoyés du général Colli se sont présentés pour lui demander un armistice.
    À moi .
    Petite flamme de joie .
     
    Le 25 avril, les envoyés du roi du Piémont-Sardaigne, Victor-Amédée, se présentent devant Napoléon à Cherasco.
    Ils sont dignes et respectueux, Napoléon fait asseoir les nobles piémontais, La Tour et Costa de Beauregard, en face de lui. Les aides de camp sont debout, entourant leur général en chef.
    Napoléon parle.
    Les Piémontais doivent livrer trois places fortes, Coni, Tortone et Valenza. Ils doivent fournir à l’armée française tous les approvisionnements nécessaires. Les conditions de paix seront discutées à Paris, car, dit-il, il n’est, encore , que le général en chef de l’armée de la République française. Les deux nobles piémontais s’inclinent, mais commencent à discuter les propositions que Napoléon leur a faites.
    — Messieurs, dit-il en desserrant à peine les lèvres, je vous préviens que l’attaque générale est ordonnée pour deux heures et que cette attaque ne sera pas différée d’un moment.
    Puis il croise les bras et attend. Il est fort de la puissance des armes, de sa résolution et de la peur qu’elles inspirent.
    Le 26 avril, avant le lever du jour, les Piémontais signent l’armistice. Il entend les cris des soldats : « Vive le général Bonaparte ! »
    Comme il est simple d’imposer sa loi aux hommes quand on est un général vainqueur.
     
    L’aube est silencieuse. Il sort de la maison où l’état-major est installé, suivi de quelques officiers.
    Les rues de Cherasco sont encombrées de voitures et de charrettes remplies de foin frais sur lequel reposent des blessés. Certains geignent, leurs moignons ensanglantés. Des soldats sont affalés à même les pavés, le dos appuyé contre les façades.
    Arrivé au bout d’une rue, Napoléon s’avance sur un promontoire qui domine le paysage. Les collines et le confluent du Tanaro et de la Stura sont recouverts d’une brume bleutée. Dans un champ, des morts sont alignés. Des hommes courbés vont parmi eux comme des charognards, et, quand ils se redressent, ils portent une brassée de sabres et de sacoches remplies de munitions. Ce qui est accompli, ce qui est mort n’existe plus. Seul compte ce qui reste à faire.
    Il remonte d’un pas vif vers le siège de l’état-major. Les mots se pressent dans sa tête. Il y a eu les morts, les blessés, les fuyards, les maraudeurs, les lâches, les bataillons qui cédaient à la panique, les pillards qu’on a fusillés. Il y a eu toute cette réalité sanglante et boueuse.
    Il s’arrête un instant devant une charrette où trois hommes blessés entassés les uns sur les autres agonisent. Ont-ils été des lâches, abattus dans le dos ? Des voleurs, surpris par un officier et condamnés, ou des héros ? Qui le sait ?
    Il entre dans la maison.
    Il commence à dicter à Berthier la proclamation que les officiers devront lire sur le front des troupes et qui sera imprimée, distribuée à tous.
    Elle deviendra la vérité de ces jours de bataille. Il n’y aura plus d’autre réalité que celle-là :
    « Soldats ! Vous avez en quinze jours remporté six victoires, pris vingt et un drapeaux, cinquante-cinq pièces de canon, plusieurs places fortes, conquis la plus riche partie du Piémont… Dénués de tout, vous avez suppléé à tout ; vous avez gagné des batailles sans canons, passé des rivières sans pont, fait des marches forcées sans souliers, bivouaqué sans eau-de-vie et souvent sans pain. Les phalanges républicaines, les soldats de la liberté étaient seuls capables de souffrir ce que vous avez souffert. Grâces vous en soient rendues, soldats ! Mais, soldats, vous n’avez rien fait, puisqu’il vous reste encore à faire. »
    Puis il se penche sur la table où sont toujours déployées les cartes. Il suit du doigt ces lignes qui se dessinent dans son esprit, et, il le sait, qu’il est seul à concevoir, à imaginer. Les Autrichiens de Beaulieu sont là au bout de ses doigts.
    — Demain…, commence-t-il.
    Il s’arrête,

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