Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
terrain. Il a rédigé tant de mémoires sur la campagne qu’il faudrait conduire en Italie ! Chaque fois il a proposé les mêmes axes afin de séparer les Autrichiens des Piémontais. Il a expliqué qu’il faut déployer les troupes en tirailleurs. Tout ce qu’il a lu lorsqu’il était en garnison à Auxonne, à Valence, les livres de Guibert et de Gribeauval, les traités de Du Teil, est revenu prendre place naturellement dans ses phrases. Pourquoi dès lors écouter Dumerbion, ce général impotent qui n’imagine rien ?
    Si Dumerbion, ces officiers couards savaient la confiance qui est la sienne et s’ils devinaient les idées avec lesquelles il jongle !
    Il faudrait, pense-t-il, un pays dont le centre serait un point de ralliement, un axe fixe. Et chaque citoyen serait assuré de la place qu’il occupe dans ce système. Ni terreur rouge, ni terreur blanche. Un ordre méthodique, une organisation mathématique.
    Il répond à Dumerbion sans l’avoir écouté.
    Il est prêt à conduire les bataillons dans la région de Cairo et Diego. Il se mettra en route pour les rejoindre dès aujourd’hui.
    Il sait ce que le général Schérer a écrit sur lui : « Cet officier connaît bien son armée, mais il a un peu trop d’ambition. »
    Mais qu’est-ce qu’un homme sans ambition ?
    Une terre stérile.
    Il est sur le terrain. Il pleut dans ces hautes vallées et sur ces collines piémontaises qui s’enfouissent en longues dorsales serrées dans la plaine de Lombardie.
    Là-bas, dans la grasse terre alluviale, sur les rives du Pô, somnolent les villes opulentes, Milan, Vérone, Mantoue. Alors que les soldats sardes reculent, que les troupes républicaines mal vêtues, mal nourries, que ces soldats malades dé dysenterie et parfois de typhus remportent la victoire de Diego et Cairo, Napoléon observe à la lunette cette Italie opulente, la Lombardie, où il suffirait d’un peu d’audace pour pénétrer et régner.
    Mais il ne commande pas en chef. Et que peut-on, quand on doit obéir à des hommes qui vous sont inférieurs ?
    Il rôde, maigre, le corps penché en avant, dans la maison de Cairo où est installé l’état-major.
    Tout est trop simple, trop lent. Il s’impatiente. Il ne pourra pas vivre ainsi.
    Il pousse la porte du bureau qu’occupe le Conventionnel Turreau venu en mission à l’armée d’Italie. Il s’immobilise. Une femme est assise. Turreau est absent.
    — Je suis la citoyenne Turreau, dit-elle.
    Sa longue robe plissée, serrée à la taille, fait ressortir les rondeurs de ses hanches et de sa poitrine.
    Elle ne baisse pas les yeux.
    Il est attiré par ce corps, ces cheveux blonds, cette attitude alanguie. C’est comme une plaine à conquérir, à prendre dans un assaut court et brutal.
    Il se penche. Il prononce quelques mots, elle répond. Le citoyen Turreau, dit-elle, est en inspection, il rentrera demain.
    Il l’entraîne.
    Au matin, alors qu’avec Junot il chevauche vers Nice, il murmure : « Des cheveux blonds, de l’esprit, du patriotisme, de la philosophie. »
     
    Il retrouve les bureaux de l’état-major à Nice.
    Une femme, une nuit, peut-elle apaiser ce besoin d’agir, ce désir d’être ce qu’on sait pouvoir être ?
    Félicité Turreau séjourne quelques jours à Nice et elle se laisse à nouveau prendre.
    Mais si les nuits sont brèves, les jours s’étirent.
    On parle, à l’état-major, d’une expédition en Corse pour y déloger les Anglais. On rassemble des troupes et des navires à Toulon. Il faut qu’il en fasse partie.
    Mais il a le sentiment que chaque fois qu’il interroge on se dérobe. Un matin, il apprend que Buonarroti a été destitué de ses fonctions de commissaire de la Convention à Oneglia. L’Italien est passé dans la nuit par Nice, entouré d’une escorte, en route pour les prisons de Paris, suspect de robespierrisme.
    Napoléon comprend que l’arrestation de Buonarroti va encore accroître les soupçons contre lui. Il s’emporte et s’indigne : il ne fera pas partie de l’expédition en Corse. Pis, le 29 mars, il est rappelé de l’armée d’Italie.
    Il rudoie Junot, Marmont, Muiron, qui tentent de l’apaiser. Rien ne le calme. Il reçoit une lettre de sa mère. « La Corse, écrit-elle, n’est qu’un rocher stérile, un petit coin de terre imperceptible et misérable. La France, au contraire, est grande, riche, bien peuplée. Elle est en feu. Voilà, mon fils, un noble embrasement. Il mérite les risques de

Weitere Kostenlose Bücher