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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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l’ai souvent méprisée ! Oui, la seule idée qu’elle peut être encore utile à la patrie me fait en soutenir le fardeau avec courage. »
    Il donne la lettre au factionnaire.
    Napoléon est debout. Il entend les coups de la mer contre les rochers qui entourent le fort.
    Il sera un bloc.
    Dans la nuit, un soldat lui glisse un projet d’évasion que Junot, Sébastiani et Marmont ont mis au point.
    Il écrit à nouveau :
    « Je reconnais bien ton amitié, mon cher Junot… Les hommes peuvent être injustes envers moi, mais il me suffit d’être innocent, ma conscience est le tribunal où j’évoque ma conduite.
    « Cette conscience est calme quand je l’interroge. Ne fais donc rien, tu me compromettrais.
    « Adieu, mon cher Junot, salut et amitié,
    « Bonaparte, en arrestation au Fort-Carré (Antibes). »
    Il ne dort pas.
    Des hommes trahissent. D’autres demeurent fidèles. On se désespère ou on se réchauffe quand on apprend les actions des uns ou des autres.
    Mais il ne faut compter que sur soi. Ne faire confiance qu’à soi.
     
    Il sait qu’à Nice ses aides de camp harcèlent les représentants en mission et le général Dumerbion.
    Sur le front, dans les hautes vallées, les Sardes attaquent, profitant du trouble qui a gagné la République et ses armées à la suite de la chute de Robespierre.
    On a besoin de Napoléon. Saliceti se rétracte. « Rien de positif » n’a été découvert contre Bonaparte, écrit-il le 20 août au Comité du Salut Public.
    Ce même jour, le factionnaire ouvre la porte de la pièce et sourit en présentant son arme.
    — Citoyen général…, commence-t-il.
    Napoléon passe d’un pas lent devant lui.
    Il est libre.
    Il ne faut pas dépendre d’un système. Il faut être son propre système. Il a vingt-cinq ans depuis cinq jours.

17.
    Napoléon entre dans le bureau du général Dumerbion, qui est assis les jambes allongées, le corps lourd et las. Il semble avoir du mal à lever le bras. Des officiers sont debout autour de la table sur laquelle sont posées des cartes.
    Napoléon les dévisage l’un après l’autre. Ils baissent les yeux. Pas un de ces hommes, qu’il côtoie depuis des mois, qui n’ose faire un geste d’amitié ou le féliciter pour sa remise en liberté.
    Tous se taisent. Et c’est ainsi depuis que Napoléon a quitté le Fort-Carré et retrouvé ses fonctions à Nice, à l’état-major de l’armée d’Italie.
    Le général Dumerbion toussote, soupire.
    Il pointe enfin son doigt sur la carte, invite Napoléon à s’approcher. Les officiers s’écartent.
    Napoléon a envie de les toucher, de leur lancer en ricanant : « Je suis pestiféré, craignez pour votre liberté et votre vie. » Mais à quoi bon ? Il a découvert depuis son emprisonnement que la lâcheté et la peur étaient largement partagées.
    Dumerbion lui a demandé d’établir un nouveau plan d’attaque dans la région de Diego et de Cairo, dans le Piémont, au-delà des cols de Tende et de Cadibona. Mais il se sent entouré par la suspicion. On le surveille. On le guette, et surtout on l’évite. On se méfie des nouveaux représentants en mission. On craint l’épuration ordonnée par la Convention et le Comité de Salut Public. Il s’agit de traquer les officiers suspects de jacobinisme, et de couper « la queue de Robespierre » dans les armées. Des officiers ont été mutés. D’autres emprisonnés. On a guillotiné plus de cent personnes dans les jours qui ont suivi la chute de celui qu’on appelle maintenant « le tyran ». Dans les prisons s’entassent les maîtres d’hier. Et quelquefois la foule en brise les portes, massacre les prisonniers. Les « Compagnies de Jésus » et les « Compagnies du Soleil » pourchassent les Jacobins, font des milliers de victimes. Elles sont animées par des émigrés royalistes ou les nouveaux représentants en mission.
    Napoléon sait que Lucien a été arrêté comme Jacobin, jeté dans la prison d’Aix. Et Napoléon a écrit à l’un des administrateurs de la ville : « Assiste mon frère, ce jeune fou, et aie pour lui la sollicitude de l’amitié. »
    Mais que peut-on attendre d’un homme quand la peur le tient ? Que peut-on attendre d’un pays, quand le centre du pouvoir bascule ainsi d’une main à l’autre et qu’à la terreur jacobine succède la terreur blanche ?
    Pendant que le général Dumerbion parle, Napoléon ne regarde pas la carte.
    Il est familier de chaque pli du

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