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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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bénéfice, dit-on, des aristocrates ! Les représentants en mission l’ont défendu. Mais l’épée d’une condamnation reste suspendue sur sa tête.
    Il faut savoir ouvrir le feu au bon moment, sinon le glaive tombe.
     
    Napoléon saute de cheval dans le jardin de Château-Salé. Ses frères Lucien et Joseph viennent à sa rencontre. Il les entraîne dans le fond du jardin. Il fait doux. C’est le mois de mai. Il regarde la mer. Il parle pour lui-même. Il ne dépend que de lui de partir pour Paris, dès le lendemain, dit-il. Il serait alors en position d’établir tous les Bonaparte avantageusement.
    Il se retourne.
    — Qu’en dites-vous ? demande-t-il.
    Il n’attend pas que ses frères lui répondent.
    — Il ne s’agit pas de faire l’enthousiaste, reprend-il. Il n’est pas si facile de sauver sa tête à Paris qu’à Saint-Maximin. Robespierre jeune est honnête, mais son frère ne badine pas. Il faudrait le servir. Moi, soutenir cet homme ? Non, jamais ! Je sais combien je lui serais utile en remplaçant son imbécile de commandant de Paris, mais c’est ce que je ne veux pas être. Il n’est pas temps. Aujourd’hui, il n’y a pas de place honorable pour moi qu’à l’armée : prenez patience, je commanderai Paris plus tard.
    Il s’éloigne de quelques pas.
    Il avait déjà tranché, mais d’avoir exprimé ce qu’il pensait en venant de Nice et déjà au moment où Augustin Robespierre parlait le convainc qu’il n’y a qu’un seul choix possible, celui qu’il a fait.
    Il se retourne, il lance à ses frères : « Qu’irais-je faire dans cette galère ? » Mais il reste longtemps à contempler la mer.
    Il en est sûr, et la proposition d’Augustin Robespierre a fait naître cette certitude : un jour, il sera temps de commander à Paris.
     
    L’été, tout à coup, et ces nouvelles qui blessent.
    Le 21 juin, au nom d’une consulte, Paoli a proposé à George III, roi d’Angleterre, d’accepter la couronne de Corse, ce que le souverain a fait !
    À Paris, les têtes roulent, la terreur devient folle, alors que la victoire de Fleurus, le 26 juin 1794, rend inutile cette répression cruelle.
    Souvent, alors que s’écoulent les jours de juin et de juillet 1794, Napoléon s’installe dans le jardin de la maison Laurenti, rue Villefranche.
    Il parle peu. Il regarde Émilie. Il s’apaise. Mais il ne peut rester longtemps immobile. L’atmosphère, à l’état-major, est lourde. La caisse de l’armée est vide. Les vêtements manquent. Sur un effectif de quarante mille hommes, seize mille sont déclarés malades !
    Le 11 juillet, lorsque Napoléon se rend à la convocation du représentant en mission Ricord, il a encore dans la tête les mots qu’il vient d’écrire à l’un de ces officiers qui se plaignaient de l’état de l’armée. « Ça finira mal pour ceux qui jettent l’alarme dans le peuple. »
    Il se sent lui-même emporté par ce climat de violence et d’inquiétude. Que veut Ricord ?
    Le représentant lit deux longues instructions secrètes qu’il a rédigées en compagnie d’Augustin Robespierre.
    Le général Bonaparte doit se rendre à Gênes, se renseigner sur l’état des fortifications, y récupérer de la poudre, déjà payée, y juger de l’attitude civique des représentants français et discuter avec le gouvernement de Gênes de la manière dont on peut combattre « les hordes de brigands » auxquelles Gênes laisse libre le passage.
    Mission secrète, insiste Ricord, à la fois diplomatique et militaire.
    Comment se dérober ?
    Ricord et Robespierre ont toujours le pouvoir. Augustin Robespierre doit se rendre à Paris et défendre au Comité de Salut Public le plan d’attaque contre l’Italie que Napoléon a mis au point.
    — Je pars, dit Napoléon.
     
    Il va seul, en civil, sur ces routes en corniche qui s’accrochent aux falaises.
    Le pays n’est pas sûr, mais de place en place il y a des postes français ou des cités tenues par des révolutionnaires italiens. À Oneglia, Napoléon dîne avec Buonarroti, qu’il a connu en Corse et qui a été nommé commissaire de la Convention par Ricord et Robespierre.
    Évocation du passé, déjà.
    Buonarroti publiait en Corse Il Giornale Patriottico di Corsica , dans lequel Napoléon avait écrit un article.
    Napoléon, sur cette terrasse qui donne sur le port, écoute en silence Buonarroti évoquer l’égalité, qui doit régner et que Robespierre peut peut-être contribuer

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