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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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à établir.
    Napoléon, d’abord, ne répond pas. L’égalité ?
    Comment Buonarroti, cet homme de plus de trente ans, peut-il garder une telle foi ?
    L’égalité des droits, commence Napoléon, celle que la loi peut établir…
    Mais Buonarroti l’interrompt avec fougue : l’égalité des fortunes, dit-il, celle des richesses, afin d’établir la vraie égalité des droits.
    Il faudrait couper la tête d’un homme sur deux, et cela ne suffirait pas, murmure Napoléon. Qui veut être plus pauvre qu’il n’est ?
     
    Au retour de Gênes, Napoléon ne s’arrête pas à Oneglia, et, lorsqu’il arrive à Nice le 27 juillet 1794, il rend d’abord compte à Ricord de sa mission à Gênes, puis il regagne Château-Salé avec Junot.
    La demeure est vide. Letizia Bonaparte et ses enfants ont quitté Antibes pour assister au mariage de Joseph Bonaparte avec Marie-Julie Clary, la fille des négociants marseillais en soie et savon. Joseph Bonaparte a choisi les cent cinquante mille livres de rente !
    Napoléon se sent seul. Il rentre aussitôt à Nice, chez Laurenti.
     
    Le 4 août au matin, Junot se présente, nerveux, pâle. Robespierre a été décapité, lance-t-il dès qu’il voit Napoléon. Maximilien a été arrêté le 27 juillet, exécuté le lendemain avec son frère Augustin.
    Napoléon baisse la tête.
    Laurenti s’approche, se fait répéter la nouvelle. Enfin ! Les emprisonnés seront libérés, on démontera la machine du docteur Guillotin !
    Napoléon quitte la maison sans mot dire. Il a vu trop de haine dans les yeux. Il a senti frémir trop de jalousies pour ne pas imaginer des dénonciations contre lui.
    — Ils vont se venger, dit-il.
    Il pense aux rues de Toulon. Puis il ajoute, fort, pour que les officiers qui l’entourent l’entendent :
    — J’ai été un peu affecté de la catastrophe de Robespierre, que j’aimais un peu et que je crois pur, mais fût-il mon frère, je l’aurais moi-même poignardé s’il aspirait à la tyrannie.
    Il attend.
    Il croise Saliceti, dont le regard se détourne. Il cherche à rencontrer Ricord, mais on le dit en fuite. Il aurait gagné la Suisse.
    Le 9 août, lorsque les gendarmes se présentent à la maison Laurenti pour lui signifier qu’il est décrété d’arrestation, de l’ordre des représentants Saliceti et Albitte, qui a remplacé Ricord, Napoléon ne manifeste aucune émotion.
    Laurenti s’interpose, propose une caution pour permettre à Napoléon de demeurer aux arrêts dans leur maison.
    On apprend à Napoléon qu’on le soupçonne d’être un partisan de Robespierre. Pourquoi s’est-il rendu à Gênes ? Des commissaires de l’armée des Alpes prétendent même qu’en Italie un million a été mis à sa disposition par les émigrés pour le corrompre.
    Saliceti ajoute une phrase :
    — Il y a sur Bonaparte de forts motifs de suspicion, de trahison et de dilapidation.
     
    Il a été finalement conduit au Fort-Carré d’Antibes sous bonne escorte. De la fenêtre de la pièce où il est enfermé, il aperçoit le Château-Salé.
    Il se tient d’abord recroquevillé sur lui-même.
    Il pense à Saliceti qui l’a dénoncé, trahi pour se sauver. Lâcheté des hommes. Il pense à ce destin qui l’a mené si haut déjà, en si peu de mois, et maintenant, alors qu’il va avoir vingt-cinq ans, qui le précipite à terre, promis à la guillotine.
    Accepter ce destin, ou se relever comme après une chute dans une charge ? Il demande une plume et du papier. Il va écrire aux représentants en mission. Il va se redresser.
    « Vous m’avez suspendu de mes fonctions, écrit-il, arrêté et déclaré suspect. Me voilà flétri sans avoir été jugé ou bien jugé sans avoir été entendu. Depuis l’origine de la Révolution, n’ai-je pas toujours été attaché aux principes ? J’ai sacrifié le séjour de mon département, j’ai abandonné nos biens, j’ai tout perdu pour la République. Depuis, j’ai servi sous Toulon avec quelque distinction et mérité à l’armée d’Italie la part de lauriers qu’elle a acquise. L’on ne peut donc me contester le titre de patriote. »
    Saliceti, tu me connais ! As-tu rien vu de suspect dans ma conduite de cinq ans qui soit suspect à la Révolution ?
    « Entendez-moi, détruisez l’oppression qui m’environne et restituez-moi l’estime des patriotes !
    « Une heure après, si les méchants veulent de ma vie, je la leur donnerai volontiers, je l’estime si peu, je

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