[Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz
été faite.
« Je me porte bien ; le temps est cependant affreux. Je change d’habit deux fois par jour, tant il pleut.
« Je t’aime et t’embrasse.
« Napoléon »
Il sort de l’abbaye. La pluie glaciale continue de tomber, si drue que les fortifications de la ville d’Ulm où se trouve le général Mack disparaissent derrière le rideau gris de l’averse.
Le cheval de Napoléon avance difficilement sur les chemins de crête, là où sont disposées les pièces d’artillerie. Napoléon descend, pointe lui-même un canon, donne l’ordre d’ouvrir le feu. Il faut débusquer Mack, le harceler, le contraindre à la reddition avant que les armées russes viennent à son secours.
Lorsqu’il rentre à l’abbaye d’Elchingen, Napoléon grelotte malgré les feux qui brûlent dans les hautes cheminées. Les officiers rendent compte de la fatigue des troupes. La pluie et la faim dissolvent la Grande Armée, disent-ils. Il faut des abris, du pain, du vin. Les uniformes sont en loques.
Napoléon écoute sans paraître entendre.
Commander, c’est aussi ne pas révéler son inquiétude et répondre à celle de ses subordonnés par des certitudes.
Mack se rendra, d’ici à quelques heures, affirme-t-il. On entrera dans Vienne, l’Autriche sera vaincue. Il ne faudra que quelques jours pour écraser les Russes. Et l’on en aura fini ainsi de la troisième coalition.
Il convoque le général Ségur, qui va demander à parlementer avec Mack. Il faut effrayer le général autrichien, obtenir sa reddition. Et d’ici là, l’écraser sous les obus.
Le 20 octobre, enfin, les troupes autrichiennes déposent les armes, sans même avoir combattu.
Napoléon regarde défiler devant lui ces trente mille hommes qui jettent à ses pieds leurs armes et leurs drapeaux, comme dans un triomphe antique.
La pluie a cessé mais il est trempé et crotté. Il sent le poids de son chapeau et de sa redingote grise qui sont gorgés d’eau. Il se tient en avant sur un petit tertre, dominant la scène. Il est l’Empereur vainqueur. Ses troupes sont rassemblées autour de lui, et de temps à autre il se tourne vers elles.
La victoire, comme chaque fois, a transformé l’épuisement et le doute en une sorte de fierté joyeuse. Elle a redonné des forces à chaque soldat. Il va décorer plusieurs d’entre eux.
Les soixante canons autrichiens, les vingt généraux prisonniers passent devant lui.
« Soldats, lance-t-il, ce succès est dû à votre confiance sans bornes dans votre Empereur, à votre patience à supporter les fatigues et les privations de toutes espèces, à votre intrépidité. »
Il échange quelques mots avec les généraux autrichiens qui se sont arrêtés et l’entourent. Certains de ces hommes portent des traces de blessures qui témoignent des campagnes qu’ils ont conduites contre les Turcs.
Ils sont valeureux, expérimentés, mais je les ai vaincus. Qui ne pourrai-je vaincre ?
Le soir, dans l’abbaye d’Elchingen, alors que la pluie a recommencé, il achève de dicter sa proclamation à la Grande Armée :
« Nous ne nous arrêterons pas là : vous êtes impatients de commencer une seconde campagne. Cette armée russe que l’or de l’Angleterre a transportée des extrémités de l’univers, nous allons lui faire éprouver le même sort… »
il entend, chaque fois qu’il cesse de parler, les plaintes des blessés qui ont été installés dans l’abbaye. Cette bataille d’Elchingen a pourtant été peu coûteuse en hommes. Mais demain ?
« Tout mon soin, dicte-t-il, est d’obtenir la victoire, avec le moins possible d’effusions de sang : mes soldats sont mes enfants. »
Ce texte doit être lu, imprimé, affiché, ordonne-t-il. Publié aussi dans le Bulletin de la Grande Armée , qui doit aider les soldats à connaître les intentions de l’Empereur, et leurs exploits.
Il s’assied au pied de la cheminée. Il prend du papier. Il va écrire lui-même, la feuille posée sur ses genoux éclairée par les flammes :
« J’ai été, ma bonne Joséphine, plus fatigué qu’il ne le fallait ; une semaine entière et toutes les journées l’eau sur le corps, et les pieds froids, m’ont fait un peu de mal…
« J’ai rempli mon dessein, j’ai détruit l’armée autrichienne par de simples marches… Je suis content de mon armée. Je n’ai perdu que mille cinq cents hommes, dont les deux tiers faiblement blessés.
« Le prince Charles vient couvrir
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