[Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz
mieux, je vais bien.
Le temps, ce 4 octobre, est enfin beau. Napoléon parcourt en berline les routes de la région, encombrées de troupes en marche qui l’acclament quand elles reconnaissent l’escorte des chasseurs de la Garde.
À Stuttgart, dans la soirée, lorsqu’il pénètre dans la salle du théâtre de la Cour, l’Électeur de Wurtemberg l’installe avec déférence et, pendant que le rideau se lève, lui prédit que ce Don Giovanni , de Mozart, sera un enchantement.
Il écoute. Puis, dans la berline, en rentrant à Ludwigsburg, il dicte à la lumière de la lampe à huile, une lettre pour le nouveau ministre de l’Intérieur, Champagny : « Je suis ici à la cour de Wurtemberg, et tout en faisant la guerre j’y ai entendu de la très bonne musique. Le chant allemand m’a paru cependant un peu baroque. La réserve marche-t-elle ? Où en est la conscription de 1806 ? »
Car la guerre est dévoreuse d’hommes, et on ne la gagne que si l’on peut enfourner dans sa gueule de nouveaux régiments.
Les premiers combats viennent d’avoir lieu sur la rive droite du Danube, à Wertingen. Les cavaliers de Murat ont chargé, après que, Napoléon l’apprend, par suite de l’opposition entre Murat et Ney, une division a failli être écrasée par plus de trente mille Autrichiens.
Voilà mes maréchaux, braves et souvent bornés ! Jaloux les uns des autres.
Il se rend sur le champ de bataille. La pluie s’est remise à tomber. Les troupes sont alignées sous l’averse glaciale. Mais il est avec les soldats, faisant sortir des rangs les hommes dont les colonels lui disent qu’ils ont été les meilleurs combattants.
Celui-ci, le dragon Marcate du 4 e régiment, a sauvé son capitaine qui, peu de jours avant, l’avait cassé de son grade de sous-officier. Napoléon lui tire l’oreille et lui accroche sur la poitrine l’aigle de la Légion d’honneur.
La pluie n’en finit pas. Le paysage disparaît sous l’averse. Napoléon chevauche avec son escorte. Les voitures de sa suite n’ont pas suivi. On entre dans le village d’Ober-Falheim. Les maisons ont été saccagées, pillées, les murs éventrés par les soldats qui cherchent l’or caché par les paysans.
Napoléon s’installe dans le presbytère. Un aide de camp prépare une omelette, un autre le lit.
Il allonge ses jambes devant la cheminée. Il tente de faire sécher ses vêtements. Il se sent bien ici. Les nouvelles de la bataille sont bonnes.
Le Danube a été franchi à Donauwerth. Davout et Soult sont entrés à Augsbourg. Bernadotte et Marmont à Munich. Les Autrichiens du général Mack se sont repliés sur Elchingen et Ulm. Ils veulent attendre là les Russes. Il faut donc les écraser, vite.
Il plaisante avec les quelques officiers qui se tiennent autour de lui, dans le presbyptère. Il n’a même pas son vin de chambertin, dit-il, ici, en Europe, alors qu’il n’en a jamais été privé même au milieu des sables de l’Égypte.
On lui apporte un verre de bière. Est-ce possible qu’ici, dans une contrée si fertile, elle soit si mauvaise ?
Le lendemain, il couche à Burgau, non loin d’Augsbourg.
La victoire est à portée de main. Il la sent, comme chaque fois qu’elle s’approche. Il avance en même temps que les avant-gardes, le long du Danube, jusqu’au passage d’Elchingen.
C’est l’aube du 14 octobre. Des pontonniers construisent une passerelle sous la mitraille. Napoléon se mêle aux premiers soldats qui s’élancent.
Tant de fois déjà son corps sous le feu, tant de fois, qu’il lui semble qu’il ne peut être atteint.
Enfin, les grenadiers s’emparent de l’abbaye d’Elchingen qui domine le fleuve. Napoléon s’y installe. On y transporte les blessés qui se comptent par centaines. Mais les Autrichiens ont été taillés en pièces, refoulés et, sous les charges de Ney et Bessières, le général Mack s’est enfermé dans Ulm.
Il est pris au piège.
Napoléon ressort. Une batterie ennemie tire sur l’escorte, les chevaux font des écarts, mais Napoléon reste impassible, galopant devant, vers les hauteurs du Michelsberg, où il fait placer des canons qui ouvrent le feu sur Ulm.
Il ne faut pas desserrer l’étreinte, afin que Mack capitule.
Puis, dans l’abbaye d’Elchingen, le soir, il écrit un mot à Joséphine.
« L’ennemi est battu, a perdu la tête, et tout m’annonce la plus heureuse campagne, la plus courte et la plus brillante qui ait
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