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[Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz

[Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz

Titel: [Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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enfin, parmi ses soldats ! Il pleut à verse. Les tambours ne peuvent pas rythmer la marche, mais les troupes passent et parfois crient : « Vive l’Empereur ! » La garde apparaît, avec ses hauts bonnets à poil, en peau d’ours. Ils rompent la cadence pour traverser le pont. L’eau coule le long de leurs moustaches et de leurs favoris recourbés, signes obligés de leur appartenance à cette troupe d’élite à la solde élevée.
    Napoléon se tient droit sur son cheval. Il ne sent pas la pluie qui glisse sur le chapeau déjà imbibé d’eau, déformé, et sur la redingote devenue lourde.
    C’est ainsi qu’on commande aux hommes qui vont mourir, en demeurant à leur côté. Il reste sur le pont, immobile plusieurs heures durant.
    Il faut qu’on le voie, que chaque soldat sache que l’Empereur était là. Et qu’il va conduire la campagne.
    Plus tard, il retrouve les miroirs, les tapis et les tableaux du palais de Rohan. Il aperçoit dans l’un des salons où brûlent des dizaines de bougies, Talleyrand, dont il a exigé la présence à Strasbourg, Joséphine dans une longue robe de taffetas, et les princes électeurs de Bade et de Wurtemberg, dont il veut faire des alliés, comme la Bavière, afin de créer entre l’Autriche et la France une barrière d’États qu’il dominera.
    Il va vers ces hommes aux vêtements de cour et il s’aperçoit dans les miroirs, crotté, la redingote dégoulinante de pluie. Il éprouve de la fierté. Il est l’Empereur-Soldat. Il appartient à une autre espèce d’homme. Il peut bien dormir dans ce palais aux murs décorés par des tapisseries des Gobelins, on peut l’appeler Majesté ou Sire, il ne sera jamais, il le sait, pareil à ces princes. Il les domine, mais il n’est pas l’un d’eux.
    Il a le destin singulier d’un fondateur d’Empire, proche des soldats qu’il passe chaque jour en revue de part et d’autre du Rhin, à Kehl, à l’arsenal ou dans la citadelle et qu’il a hâte de rejoindre en Allemagne.
    « Soldats, proclame-t-il le 30 septembre, la guerre de la troisième coalition est commmencée… Vous avez dû accourir à marches forcées à la défense de nos frontières. Nous ne ferons plus de paix sans garantie. Notre générosité ne trompera plus notre politique. Soldats, votre Empereur est au milieu de vous… »
    Il entre dans la chambre de Joséphine.
    « Je vais partir cette nuit, dit-il. Malheur aux Autrichiens s’ils me laissent gagner quelques marches. »

36.
    Il a froid, ce 1 er  octobre 1805, lorsqu’il franchit le Rhin. Il pleut. Il serre les pans de sa redingote. Le pont tremble et résonne sous les sabots des chevaux des chasseurs de la garde qui escortent la berline. Napoléon frissonne, respire difficilement, comme si l’on pesait sur sa poitrine. Il fait un effort pour se détendre, pour ne pas subir comme hier soir, quelques heures avant le départ, cette crise douloureuse.
    Il s’est effondré dans sa chambre du palais de Rohan, devant Talleyrand et M. de Rémusat, qui l’avaient accompagné. Durant quelques minutes, il a eu la sensation que les murs s’abattaient, l’écrasaient, que le sol se dérobait en l’entraînant. Un voile a couvert ses yeux.
    Lorsqu’il a repris conscience, Talleyrand et Rémusat le frictionnaient avec de l’eau de Cologne. Il était à demi nu. Il les a repoussés en exigeant le silence complet sur cet accès de fatigue sans doute. Mais, malgré les bains brûlants dans lesquels il s’est plongé toute la nuit, le froid demeure en lui. Et s’il se laissait aller, il claquerait des dents.
    Il doit maîtriser ce corps, comme on dompte un cheval rétif qui se cabre.
    La monture marchera autant qu’il faudra.
     
    Il arrive à Ludwigsburg et s’installe dans le palais de l’Électeur de Wurtemberg. Il griffonne quelques mots pour Joséphine, afin de la rassurer, car Talleyrand l’a sûrement avertie du malaise de la nuit, afin, par cette confidence, de prendre encore plus de pouvoir sur elle.
    « Je suis à Louisbourg, écrit-il, je me porte bien… Porte-toi bien. Crois à tous mes sentiments. Il y a ici une très belle cour, une nouvelle mariée fort belle et en tout des gens fort aimables, même notre électrice, qui paraît fort bonne quoique fille du roi d’Angleterre. »
    Il imagine Joséphine montrant la lettre, et ses dames de compagnie en répétant les termes.
    C’est aussi cela, la guerre, ne pas laisser les rumeurs se répandre.
    Et d’ailleurs je vais

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