[Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz
Élisa. Il les écoute. Elles plaident pour l’un ou l’autre condamné, Lajolais, Bouvet de Lozier. Napoléon hésite. Il ne veut pas faire preuve de faiblesse. Puis, tout à coup, il lance à Mme de Polignac :
— Madame, c’est à ma vie qu’en voulait votre mari, je puis donc lui pardonner.
C’est aussi cela, être Napoléon I er , Empereur. C’est cela, ne pas être un Bourbon mais un homme qui a risqué sa vie.
Plus tard, Napoléon accorde d’autres grâces, autorise Moreau à quitter la France, et, avec les fonds de police, il fait acheter ses biens, la propriété de Grosbois et l’hôtel de Paris. Il octroie l’hôtel à Bernadotte, et Grosbois à Berthier. Se montrer généreux est aussi un acte politique.
Peut-être ces généraux-là lui en sauront-ils gré.
Le rideau est en train lentement de tomber sur le dernier acte. Reste Cadoudal. Il revoit la grosse tête de Georges. Elle va rouler dans le seau de son. Les bois de la guillotine sont déjà dressés sur la place de Grève.
Ce chouan a risqué sa vie. Cet homme a été courageux. Napoléon convoque Réal. Que le conseiller d’État explique à Georges que, s’il demande sa grâce, elle lui sera accordée.
Dans la soirée du 25 juin, Réal apporte la réponse. Cadoudal refuse.
C’est bien ainsi.
Le 26 juin 1804, Samson, dont le père trancha la tête à Louis XVI, décapite Cadoudal et douze de ses complices.
Napoléon marche seul dans le parc de Saint-Cloud. Il vient de lire le récit de l’exécution du chouan, Georges a crié : « Vive le roi ! », droit sur l’échafaud, un sourire aux lèvres.
Voilà un homme. Et celui-ci servira d’exemple à d’autres qui seront toujours dressés contre moi .
Napoléon se dirige lentement vers le château. Il va convoquer Fouché. Il faut un ministre de sa trempe à la tête de la Police générale de l’Empire.
Septième partie
Qu’est-ce que le mot Empereur ?
Un mot comme un autre !
Juillet 1804 – Décembre 1804
27.
Napoléon guette le moindre bruit. Il a ouvert la fenêtre de son appartement privé, situé au-dessus de son cabinet de travail. L’air de cette nuit de juillet 1804 est frais, chargé de l’humidité venue de la forêt qui entoure le château de Saint-Cloud. Napoléon va jusqu’à la petite porte qui donne sur l’escalier dérobé conduisant de son cabinet à l’appartement. Il est interdit à quiconque de l’emprunter sans son autorisation formelle.
Il écoute et il s’impatiente.
Pourquoi faut-il qu’il se cache ainsi ? Il en veut à Joséphine de l’obliger à ces petitesses qui sont indignes de lui, de son titre et surtout de son être. Il ne peut pas être contraint. Il a bousculé toutes les hiérarchies, fait plier les rois et même le pape, qui, il en est sûr, va venir le sacrer Empereur ici, à Paris, et il n’est dans cet appartement, cette nuit, qu’un mari qui attend sa maîtresse et se dissimule pour éviter les foudres et les jalousies de sa femme.
Insupportable !
Il a parfois, comme à cet instant, envie de céder aux sollicitations de sa famille.
Depuis qu’il a été proclamé Empereur, les frères et les soeurs ne cessent de l’inciter au divorce. Il a eu beau cent fois les inviter à se taire, les couvrir de titres carolingiens, de pensions – sept cent mille francs à Élisa ! –, ses frères et ses soeurs continuent de répéter qu’il doit abandonner Joséphine avant le sacre, auquel il serait scandaleux qu’elle soit associée, elle qui n’est même pas capable de donner un enfant à son mari !
Il ouvre la porte. Pas un glissement furtif, pas une ombre dans l’escalier. Il va à nouveau vers la fenêtre. Peut-être Marie-Antoinette Duchâtel passera-t-elle par les jardins. Mais elle doit encore s’attarder dans le salon de Joséphine pour donner le change, attendre un moment d’inattention pour s’éloigner. Joséphine n’est pas facile à duper. Elle est aux aguets. Il ne supporte pas qu’elle souffre ainsi. Et pourtant, de quel droit devrait-il renoncer au plaisir d’une nuit avec une jeune femme ? Et pourquoi faudrait-il qu’il ne songe pas au divorce ?
Il a beau donner à cette dynastie qu’il fonde toutes les apparences et les formes nécessaires, elle restera précaire et menacée tant qu’il n’aura pas d’héritier en ligne directe, un fils à lui que ne peut pas lui apporter Joséphine.
Il le sait.
Et puis, il a besoin d’une autre femme. Cette
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