[Napoléon 3] L'empereur des rois
écrit-il à François I er , empereur d’Autriche, que l’espérance que nous avions de sa grossesse acquiert tous les jours de nouvelles probabilités, et que nous avons toutes les sûretés qu’on peut avoir à deux mois et demi. Votre Majesté comprend facilement tout ce que cela ajoute aux sentiments que m’inspire sa fille et combien ces nouveaux liens rendent plus vif le désir que j’ai de lui être agréable. »
Il la comble de cadeaux, d’attentions et de prévenances. Elle porte l’avenir. Il veut être sûr de la rendre heureuse. Il demande à voir Metternich, qui séjourne à Paris. Il apprécie cet homme intelligent qui fait la politique de Vienne et dont il sait qu’il a été l’ardent partisan du mariage de Marie-Louise. Il souhaite que Metternich voie l’Impératrice en tête à tête. Il rit. C’est une exception exorbitante, n’est-ce pas, car elle ne peut rencontrer aucun homme hors de la présence d’un tiers.
Il attend, et, quand Metternich sort de son entretien, il va vers lui.
— Eh bien, avez-vous bien causé ? L’Impératrice a-t-elle dit du mal de moi ? demande-t-il. A-t-elle ri ou pleuré ?
Il fait un geste d’indifférence.
— Je ne vous en demande pas compte, ce sont vos secrets à vous deux, qui ne regardent pas un tiers, ce tiers fût-il même un mari.
Puis il entraîne Metternich dans son cabinet de travail.
— Je ne me brouillerai jamais avec ma femme, dit-il, lors même qu’elle serait infiniment moins distinguée qu’elle ne l’est sous tous les rapports. Ainsi une alliance de famille est beaucoup.
Il prend sur la table un portefeuille, le montre à Metternich.
— Je n’attache plus de prix à l’exécution des articles secrets du traité de Vienne, relatifs à l’armée autrichienne, dit-il. J’ai le désir de plaire à l’empereur François I er et de lui donner de nouvelles preuves de mon estime et de ma haute considération.
L’empereur d’Autriche sera le grand-père de mon fils. Le rapprochement avec l’Autriche pourrait être la clé de ma politique. L’alliance avec la Russie ?
— Je ne reçois de Russie que des plaintes continuelles, des soupçons injurieux.
Alexandre I er craint que je ne rétablisse la Pologne. Si j’avais voulu rétablir la Pologne, je l’aurais dit et je n’aurais pas retiré mes troupes d’Allemagne. La Russie veut-elle me préparer à sa défection ? Je serai en guerre avec elle le jour où elle fera la paix avec l’Angleterre .
Sa voix se durcit.
— Je ne veux pas rétablir la Pologne. Je ne veux pas finir mes destinées dans les sables de ses déserts. Mais je ne veux pas me déshonorer en déclarant que le royaume de Pologne ne sera jamais rétabli.
Il pense à Marie Walewska, à ce fils Alexandre, enfant d’une noble polonaise patriote et de lui, l’Empereur.
J’ai plusieurs vies .
— Non, reprend-il, je ne puis prendre l’engagement de m’armer contre des gens qui m’ont témoigné une bonne volonté constante et un grand dévouement. Par intérêt pour eux et pour la Russie, je les exhorte à la tranquillité et à la soumission, mais je ne me déclarerai pas leur ennemi et je ne dirai pas aux Français : il faut que votre sang coule pour mettre la Pologne sous le joug de la Russie.
Il martèle la table.
— Rien au monde ne peut me faire souscrire à un acte déshonorant ; signer ces mots : « La Pologne ne sera pas rétablie », c’est plus que flétrir mon caractère.
Il s’éloigne de la table.
— Il faudrait que je fusse Dieu pour décider que jamais une Pologne n’existera ! Je ne puis promettre ce que je ne puis tenir.
Il revient vers Metternich. Il semble hésiter avant de parler. Voilà des mois qu’il n’a plus prononcé les mots « guerre », « armée ».
— Que l’on ne croie pas, à Saint-Pétersbourg, que je ne suis pas en mesure de faire de nouveau la guerre sur le Continent. J’ai trois cent mille hommes en Espagne, mais quatre cent mille en France et ailleurs. L’armée d’Italie est encore entière. Je pourrais, au moment où la guerre éclaterait, me présenter sur le Niémen avec une armée plus considérable qu’à Friedland.
Il sourit à Metternich. Il ne veut pas la guerre. Mais pourrait-il compter sur Vienne ? Il n’attend pas la réponse de Metternich. Il le prend par le bras, le reconduit.
— L’Impératrice vous aura dit qu’elle est heureuse avec moi, qu’elle n’a pas une plainte à
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