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[Napoléon 3] L'empereur des rois

[Napoléon 3] L'empereur des rois

Titel: [Napoléon 3] L'empereur des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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fraîcheur. Il a voulu que des buffets soient dressés pour le peuple venu en masse. Le vin jaillit de plusieurs fontaines. Plus loin, dans le bois de Boulogne, les grenadiers de la Garde impériale banquettent. Et maintenant, pour tous, commence le feu d’artifice.
    Il prend la main de Marie-Louise. Elle est moite. Les premières explosions retentissent dans le ciel bas, les gerbes de couleur éclairent les nuages. Brusquement, c’est l’averse, un souffle de vent froid.
    Il ne bouge pas. Il voit les dignitaires qui n’osent pas quitter les jardins noyés sous des trombes d’eau. Les robes se collent au corps, les vêtements chamarrés sont délavés.
    — Voilà des commandes pour les manufactures de l’Empire, dit-il au maire de Lyon qui se trouve assis en retrait sous le dais.
    Mais le feu d’artifice est interrompu. Les trombes d’eau continuent de s’abattre, chassant la foule du parc.
    Les plus grandes fêtes vont-elles toujours désormais pour lui s’achever ainsi sous l’orage ?
     
    Il rentre dans son cabinet de travail. Il s’accroupit. Sur le tapis, il a disposé ce matin ces petits morceaux de bois d’acajou qui, selon leur longueur et leur couleur, représentent des divisions, des régiments, des bataillons. Il les déplace, compose un nouvel ordre de bataille.
    Hier, dans l’après-midi, la gouvernante est venue ici, avec le « petit roi ». L’enfant a joué avec les pièces de bois et il l’a laissé faire. Et maintenant qu’il est seul, dans le silence, sans les rires et les cris de l’enfant, il revit la scène. À un moment donné, il a voulu retirer à l’enfant l’une de ces pièces. L’enfant a boudé, refusé ensuite la pièce qu’il lui offrait. Enfant volontaire, « fier et sensible, comme je l’aime ! » a-t-il dit à Mme de Montesquiou.
    Mon fils. Quel homme sera-t-il ? Que sommes-nous ?
    Il a eu, il y a peu, une longue conversation avec les savants de l’Institut, Monge, Berthollet, Laplace.
    Ce sont de vrais athées. Ont-ils raison ? Parfois, comme eux , « je crois que l’homme a été produit par le limon de la terre, échauffé par le soleil et combiné par des fluides électriques ». Mais je crois au destin. Quel sera le destin de mon fils ?
    « Pauvre enfant, que d’affaires embrouillées je te laisserai ! »
    Mais je crois à l’utilité de la religion .
    Il se redresse.
    Les prêtres doivent comme mes préfets et mes gendarmes assurer la paix dans mon Empire, obéir .
     
    Il ne peut dormir. Le temps est à l’orage. Il va se déchaîner, comme sur la fête.
    Il faut qu’il contrôle tous les rouages de l’Empire. Il veut voir dès demain le ministre des Cultes, Bigot de Préameneu. Ce conseiller d’État, membre de l’Académie française, est un juriste habile. Un serviteur fidèle, qu’il a fait comte d’Empire.
    C’est lui qu’il a chargé de réunir les évêques de l’Empire en concile national, pour leur rappeler le devoir d’obéissance, les soumettre et les arracher à l’autorité temporelle du pape.
    Ce Pie VII qui continue de mener sa fronde contre moi. Le souverain pontife a tout fait pour que je sois abandonné de mes peuples et de mes armées.
    Et maintenant, les évêques résistent.
    Il dira à Bigot de Préameneu de rappeler au pape que, s’il ne cesse pas de s’opposer à l’Empereur, il peut mettre fin au Concordat avec l’Église.
    Napoléon se lève, marche dans son cabinet une partie de la nuit.
    S’il faut faire un exemple, je décréterai l’arrestation de quelques évêques pour que les autres plient. Je connais les hommes. La peur les dirige. Les évêques se soumettront comme des hommes quelconques. Je demanderai au ministre de la Police de surveiller leur correspondance, de connaître leurs rencontres. Je leur dirai :
    « C’est à vous de savoir si vous voulez être des princes de l’Église ou si vous n’en serez que des bedeaux. » Ils céderont .
     
    Il ne tient plus en place. Les jours et les nuits de cet été 1811 sont accablants de chaleur. Parfois il galope plusieurs heures dans les forêts de Saint-Germain ou de Marly. Lorsqu’il rentre et qu’il aperçoit le roi de Rome, il se précipite, le soulève, joue quelques instants avec lui, prend le bras de Marie-Louise et la force à se promener avec lui dans les allées. Elle manque d’énergie, alors qu’après quelques minutes il se sent à nouveau impatient, avide de mouvement, d’activité. Il devrait être partout.

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