[Napoléon 3] L'empereur des rois
remparts de Wesel et le Rhin vous serviront de refuge à tout événement… » Et, parce qu’il sait que son frère manque d’énergie, hésite, il le rassure : « J’écraserai tous mes ennemis. Le résultat de tout ceci accroîtra vos États et sera une paix solide ; je dis solide parce que mes ennemis seront abattus et dans l’impuissance de remuer de dix ans. »
Peut-être la dernière guerre, pense-t-il.
Il parcourt les galeries du château. Joséphine vient à sa rencontre. Elle insiste pour partir avec lui s’il rejoint l’armée, si la guerre éclate comme elle le craint. Elle s’installera à Mayence, elle l’attendra dans cette ville. Il donne son accord. Il a du mal à partir, et c’est la première fois.
Il convoque Cambacérès. C’est lui, durant l’absence de l’Empereur, qui sera chargé de présider la réunion des ministres chaque mercredi.
Mais – Napoléon lève la main – les ministres correspondront directement avec l’Empereur, quel que soit le lieu où il se trouve. Il veut continuer de gouverner la France comme s’il était à Paris.
Combien de temps sera-t-il absent ? Il chevauche seul dans la forêt de Saint-Cloud. Il a besoin de cette solitude pour que se mettent en place dans sa tête tous les rouages de cette machine militaire qui va broyer l’ennemi. Il rentre, commence aussitôt à dicter plus de dix lettres qui précisent la marche des différents corps de la Grande Armée.
Puis il reçoit un aide de camp du général Augereau, qui rentre de Berlin. Napoléon tourne autour du lieutenant Marbot, l’examine, le questionne.
Marbot a été reçu dans les salons berlinois. Que pense-t-il de cette reine Louise, qui insulte l’Empereur ? Belle ? Elle veut, dit-on, assister à la guerre ? Blonde, n’est-ce pas ? demande Napoléon.
Il sourit en écoutant le jeune lieutenant qui dit d’abord que la reine Louise a défilé à Berlin à la tête du régiment des dragons de la reine, et que, selon le général von Blücher, elle entrera avec ses dragons à Paris.
— Belle femme ? questionne à nouveau Napoléon.
Marbot le confirme. Mais une seule chose la dépare, dit-il. Elle porte toujours une grosse cravate, afin, dit-on, de cacher un goitre assez prononcé qui, à force d’être tourmenté par les médecins, s’est ouvert et répand une matière purulente, surtout lorsque la reine danse, ce qui est son divertissement de prédilection.
Napoléon baisse la tête. Ce n’est donc que cette femme-là, la reine Louise, elle dont on dit qu’elle a fasciné le tsar Alexandre ?
— Et les Prussiens ? demande Napoléon.
Ce maréchal Brunswick, qui a commandé l’armée qui voulait punir Paris en 1792, et qui a été battu à Valmy, que vaut-il ?
Marbot hésite, puis rapporte simplement que les gendarmes de la Garde noble ont parcouru les rues de Berlin en criant qu’il n’y avait pas besoin de sabres pour ces chiens de Français, qu’il suffisait de gourdins. Ils sont allés affûter leurs sabres sur les marches de l’ambassade de France…
Napoléon porte la main à la poignée de son épée.
— Fanfarons ! lance-t-il. Insolents !
Puisque le duc de Brunswick commande à nouveau l’armée prussienne, comme il y a quatorze ans, il va découvrir que les armes françaises sont en bon état. Napoléon souhaite au lieutenant Marbot une guerre glorieuse.
Il se souvient de sa jeunesse d’officier. Il se sent soldat de la Révolution.
À 16 h 30, le jeudi 25 septembre 1806, il monte dans sa voiture et quitte Saint-Cloud. Joséphine est dans l’une des voitures qui suivent la berline de l’Empereur. La nuit tombe. On dîne à Châlons puis on repart dans l’obscurité et l’on roule jusqu’à Metz, le lendemain vendredi à 14 heures. Puis ce seront Saint-Avold, Sarrebruck, Kaiserslautern, et enfin Mayence, tôt le dimanche 28 au matin, alors que le jour pointe seulement.
Il est las. Il consulte les dépêches. La Grande Armée est déjà concentrée autour de Bamberg. Il vérifie la position de chaque corps, le nombre des hommes : il doit disposer de près de cent soixante-six mille soldats. Mais est-ce la guerre ?
Tout est prêt pour le déclenchement. Les Prussiens, commandés par le maréchal duc de Brunswick et le prince de Hohenlohe, se sont rassemblés autour d’Iéna. Et cependant le conflit n’a pas encore éclaté.
« La guerre n’est pas encore déclarée, dit Napoléon à Berthier le
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