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[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène

[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène

Titel: [Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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vécu dans la carcasse des chevaux, se nourrissant de leur chair.
    Il faut se murer. Il faut avancer.
    Il se retourne. La colonne s’étire à perte de vue. Les voitures cahotent, versent, brûlent. On les pille. On passe près d’une abbaye d’où s’élèvent des plaintes. Des blessés sont encore là depuis la bataille.
    Il s’arrête. Qu’on les charge dans les voitures, dans celles de sa Garde et de la Maison de l’Empereur.
    Il repart. Il entend des cris. Les conducteurs des voitures lancent leurs attelages pour que les cahots fassent tomber sur la route les blessés qu’ils ont dû prendre.
    Il détourne la tête. Il murmure :
    — L’armée n’est pas belle à montrer, aujourd’hui.
    Mais il faut qu’il sache. Il ne sert à rien d’ignorer. Il sort de la route. Il monte sur une hauteur. Il veut voir défiler les troupes et les convois. De combien d’hommes dispose-t-il encore ? Ils étaient cent mille au départ de Moscou. Peut-être n’en reste-t-il, dix jours plus tard, que la moitié.
     
    On pousse devant lui un homme au regard insolent. C’est le comte de Wintzingerode, aide de camp d’Alexandre I er , qu’on a surpris revêtu d’une redingote civile aux portes de Moscou alors qu’il incitait à la désertion les soldats français.
    Quoi, un homme né dans le Wurtemberg, un de mes sujets, qui s’est mis au service du plus offrant, un agent secret, un espion – pas un soldat, un débaucheur de troupes ! Un traître. Napoléon hurle. Il ne peut plus se contenir. Toute la rage qui est en lui, qui s’est accumulée à chaque regard porté sur cette route, sur ces soldats, sur ces blessés, ces morts explose. Cet homme mérite d’être fusillé.
    Il regarde Caulaincourt, Berthier, Murat.
    Ils me condamnent .
    Il appelle lui-même les gendarmes.
    — Comme vous voudrez, Sire, mais jamais comme un traître, dit Wintzingerode.
    Napoléon donne un coup de pied dans la terre durcie par le gel. Il lève la tête, aperçoit à quelque distance de la route un château. La bâtisse est grande et belle. Que deux escadrons de la Garde aillent y fourrager et y mettre le feu.
    — Puisque messieurs les barbares trouvent bon de brûler leurs villes, il faut les aider ! crie-t-il.
     
    Il se calme tout à coup. Les flammes enveloppent le château. Il regagne la route. Il ne fera pas fusiller ce Wintzingerode. Il se rapproche de Caulaincourt, lui tire l’oreille.
    — C’est à cause d’Alexandre que vous vous intéressez à lui ? Allez, allez, on ne lui fera pas de mal.
    Il donne une tape sur la joue du grand écuyer.
    Il se dresse sur ses étriers. Devant lui, les champs sont blancs. La neige est tombée. Le froid va venir envelopper tout ce qui reste de l’armée. La neige va la recouvrir.
    Il se penche vers Caulaincourt, l’interroge.
    — Notre retraite aura monté la tête à tout le monde, dit le grand écuyer.
    En Russie, en Autriche, en Prusse.
    — Et le froid, poursuit Caulaincourt, va apporter de grands malheurs.
    Il l’écoute. Il faut avancer plus vite, prendre de vitesse le froid, atteindre Smolensk, franchir la Bérézina, cet affluent du Dniepr, avant que les troupes russes du Nord et du Sud ne se rejoignent, ne nouent le lacet autour de moi. Puis l’armée pourra se reconstituer à Vilna, ou derrière le Niémen .
    À ce moment-là, peut-être pourra-t-il rejoindre Paris après avoir fait prendre ses quartiers d’hiver à l’armée.
    Il faut qu’il commence à évoquer cette possibilité. Car il ne peut rester ici, enseveli sous la neige, alors que l’Empire serait en danger.
    Il pense à son départ d’Égypte.
    Il faut savoir choisir.
     
    Il gèle, dimanche 1 er  novembre 1812. Il écrit quelques lignes à Marie-Louise.
    « Je me rapproche de la Pologne pour y établir mes quartiers d’hiver. C’est cent lieues de moins qu’il y aura entre nous. Ma santé est parfaite, mes affaires vont bien. »
    C’est cela qu’il faut dire, écrire.
    Qui peut imaginer, hormis ceux qui sont ici, près de moi, ce qui survient ?
    Même les meilleures unités se débandent. Chacun pour soi. Et pourtant il faut se battre. Que le maréchal Ney prenne le commandement de l’arrière-garde. Ces cosaques sont comme les Arabes. Il faut marcher comme en Égypte, les bagages au centre et les baïonnettes formant un hérisson.
    Mais je vois ces fusils jetés à terre parce que les mains gèlent sur le métal .
    Les premières bourrasques de neige sont tombées, et la

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